Julien Gracq décline le Prix Goncourt



Julien Gracq a énoncé à maintes reprises sa haute conception de la littérature. C’est au nom de cette exigence qu’en 1951 il décline le prix Goncourt. Plusieurs textes ou entretiens expliquent ce refus. Julien Gracq défend une littérature affranchie des prescriptions des modes ou de l’opinion, émancipée du mercantilisme de l’édition, et réfractaire à tout enrôlement idéologique.
Lorsqu'en 1995 il revient, avec Michel Mitrani, sur ce Goncourt, il explique qu'il lui a laissé : « Le souvenir d'une sorte de casserole que j'ai trainée trop longtemps, parce qu'on est toujours l'homme qui a refusé le prix Goncourt. »
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« Louis Poirier (42 ans) est considéré par les surréalistes comme le dernier de leurs grands héritiers. [...] Dans un de ses plus mordants essais : La littérature à l'estomac, Julien Gracq est parti en guerre contre les prix littéraires et le Goncourt en particulier, qu'il a proclamé une fois pour toutes "décliner catégoriquement". Cela n'empêche point que celui qu'on considère aujourd'hui comme le maître de la féerie noire voit son dernier roman, Le rivage des Syrtes, cité avec faveur au sein des jurys. Pure politesse, peut-être, car Le rivage des Syrtes obscure histoire d'une guerre qui se rallume entre deux cités mythiques, aurait besoin de beaucoup de lanternes pour éclairer ses lecteurs. »
Bibliothèque nationale de France
« M. Julien Gracq accepterait-il le prix Goncourt ? »
« Non seulement je ne suis pas, et je n'ai jamais été, candidat, mais puisqu'il paraît que l'on n'est pas candidat au Prix Goncourt, disons pour mieux me faire entendre que je suis, et aussi résolument que possible, non candidat. Je ne redirai pas des raisons que j'ai dites longuement en leur temps. Je ne tiens pas à me poser en champion publicitaire de la vertu : cela ne me serait pas agréable. [...] Je ne m'en prends pas spécialement au Prix Goncourt. Je m'en prends à lui moins qu'aux autres, du fait que, longtemps, il fut le seul. Deux ou trois prix littéraires, passe encore si on y tient - deux ou trois cents (le nombre sera dépassé la semaine prochaine) cela devient un trait déplaisant de "mœurs indigènes" sur lequel tout le monde au fond est d'accord, sans toujours l'avouer. »
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« Si on me donnait le Prix Goncourt, je ne pourrais faire autrement que de refuser »
« - Et si on vous donnait tout de même le Goncourt ?
- C'est, avouez-le, peu probable ! Mais je ne pourrais pas en conscience faire autrement que de refuser. Je ne suis pas insensible à certaines sympathies qui se manifestent. Mais on ne peut pas pousser les jeunes à se désintéresser des prix littéraires pour, ensuite, de son côté, tendre la main. C'est une question d'honnêteté toute simple. J'en suis désolé d'ailleurs, pour mon éditeur, qui méritait mieux qu'un poulain aussi rétif. »
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