Khosrow et Chîrîn






Se rattachant au genre de l’épopée romanesque, le deuxième poème Nezâmî, riche de 6.500 distiques, ne prétend pas être un récit fidèle du règne du souverain sassanide Chosroès II Parvîz, dont le règne commence en 590.
C’est en fait l’intrigue nouée avec Chîrîn – troublé tour à tour par l’irruption de deux rivales, la princesse byzantine Maryam et la belle Chakkar d’Ispahan – qui forme le sujet du poème. Fille de la reine d’Arménie, la Chîrîn de Nezâmî est l’épouse préférée de Khosrow, mais leur union est retardée par d’innombrables obstacles. Par ailleurs, la tragique passion de l’architecte Farhâd pour Chîrîn et son suicide par amour pour elle, objet de nombreux récits populaires, est un épisode qui connaît un succès immense, souvent repris et imité par les poètes persans et turcs.
Fête chez Khosrow
Lors d’une réception, une joute courtoise s’instaure entre le harpiste Neguissa, qui combat pour Chîrîn, et le musicien Barbâd, qui défend le roi. La belle, qui assiste à la scène, finit par se laisser convaincre et épouse Khosrow dans de somptueuses noces à Ctésiphon.
Khosrow est assis sur un trône tandis que les musiciens jouent de leurs instruments, une harpe et un tambourin. Serviteurs et échansons servent des plats remplis de mets précieux et versent avec de fines aiguières, le vin dans les coupes. Un plat de grenades toujours associé aux libations de vin est posé aux pieds des deux personnages de gauche. Autour du pavillon, arbres fleuris et couverts de fruits exaltent la beauté de la nature. À droite, Chîrîn, qui avait été abandonnée par Khosrow et s’était lancée à sa poursuite, se présente devant le souverain. Elle est vêtue d’une longue robe bleue et d’un manteau de brocard.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Khosrow tuant un lion
Lorsqu’elle arrive à Ctésiphon, Chîrîn ne trouve pas le prince. Alors que les deux jeunes gens cherchent à se rejoindre, Khosrow apprend soudainement la mort de son père. Il lui succède sur le trône de Perse mais un usurpateur, Bahrâm, vient l’en chasser aussitôt. Après qu’une rencontre fortuite réunisse enfin Khosrow et Chîrîn, le prince séjourne un moment au palais de la mère de la jeune fille. C’est là qu’un jour, au milieu d’un festin, un lion vient attaquer la tente où ils se trouvaient. Le roi se précipite alors et assomme l’animal à coups de poing.
Tout suggère les festivités dans cette scène se déroulant dans une somptueuse tente princière. De magnifiques tapis aux couleurs vives tels qu’on les tissait à l’époque de Châh Abbâs, sont étendus sur le sol. Au premier plan, Khosrow terrasse le lion.
On reconnaît la jeune princesse grâce à son diadème. A coté d’elle, se tient sa confidente Mahinban. Un élégant personnage, portant un manteau en tissu d’or sur une robe violette prend une pose alanguie. La transparence du vêtement de Khosrow d’un blanc diaphane est imitée des procédés des artistes indiens. La finesse des traits des personnages rappelle le style du grand peintre Rezâ ‘Abbaâsî.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Khosrow et Chîrîn
Alors que son épouse Maryam vient de mourir, Khosrow épouse une autre jeune femme, renommée pour sa beauté. Chîrîn en conçoit un grand dépit. Au cours d’une partie de chasse, le roi se rend au château habité par la princesse. Un long dialogue se noue entre la jeune femme du haut des murs de son palais et le roi, descendu de son cheval, au pied du pavillon. Mais la belle refuse de se laisser infléchir.
La princesse agenouillée au balcon du pavillon, écoute avec attention les propos du roi de Perse. Celui-ci, reconnaissable à sa couronne et à sa somptueuse robe bleue, porte désormais une fine moustache. Au-dessus de la porte, on peut lire ces quelques mots : « Que cette porte soit toujours ouverte avec bonheur ! ».
L’architecture des lieux est conforme aux conventions picturales persanes telles qu’on les trouve dans les manuscrits du siècle précédent. Le peintre semble ignorer notre sens de la perspective alors que, déjà au XVIIe siècle, de nombreuses gravures occidentales commençaient à être importées.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Chîrîn et Farhad
Alors que Khosrow vient de reconquérir le trône de Perse, il épouse une autre femme Maryam. Chîrîn, qui est devenue reine d’Arménie, en conçoit une grande tristesse. C’est alors qu’intervient l’épisode de la passion malheureuse de Farhad pour la jeune reine qui excite la colère de Khosrow. Le brillant architecte reçoit la visite de la jeune fille.
Montée sur un cheval noir et accompagnée de ses suivantes, Chîrîn rend visite à Farhad qui, sur l’ordre de Khosrow, a creusé en un mois dans la montagne, un canal et un bassin qu’il a remplis du lait de ses brebis. La scène représente un tableau pastoral dans lequel un berger, jouant de la flûte, garde son troupeau. Les rochers sont représentés traditionnellement avec des formes zoomorphes ou anthropomorphes. Dans une sorte de pavillon, se trouve une peinture exécutée par Farhad qui, préfigurant sa rencontre avec Chîrîn, le montre offrant à boire à la jeune femme. L’une des servantes de Chîrîn est la seule, dans le manuscrit, à porter un voile.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Assassinat de Khosrow
Le roi Khosrow sent sa mort venir. Alors qu’il est endormi auprès de Chîrîn, Chîrouyeh, le fils qu’il a eu de son épouse Maryam, l’assassine durant son sommeil. Chîrin, voyant cela, repousse les avances de son beau-fils et se tue devant le tombeau de son royal époux.
L’intensité dramatique de la scène vient du contraste étonnant entre le tragique du sujet, l’assassinat de Khosrow, et l’atmosphère paisible qui se dégage de la peinture. Seul le geste du jeune homme imberbe agrippant son père par le cou, témoigne de la violence de ce qui est en train de se passer. Le peintre a su croquer sur le vif les détails qui montrent la profondeur du sommeil des personnages. La jeune femme a replié ses bras derrière sa tête et sa chemise s’est entrouverte sur sa poitrine. Les trois gardes sont endormis devant le pavillon où reposait le roi. Sur le sol dallé de pierre verte, l’un des gardes assoupis dodeline de la tête, tandis que l’autre a posé ses mains sur ses genoux pour mieux se reposer. Un flambeau éclaire cette scène tragique, tandis que l’aube illumine de ses teintes rosées le ciel sur lequel se détache un arbre au tronc verdoyant ; son feuillage automnal fait écho à la mort du roi.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Nezâmi et Toghril Châh
Un épisode final met en scène Nezâmi, l’auteur de ce livre, et son protecteur Toghril Châh, le souverain seldjoukide dont il a chanté les louanges. Par déférence envers le poète qui, contrairement aux autres poètes, menait une vie exemplaire, le souverain a fait disparaître tous les flacons de vin.
Toghril Châh est assis sur son trône à droite. Nezâmi, que le prince a fait mander à sa cour, s’avance, le dos voûté, le long du bassin en s’appuyant sur un bâton. Quatre échansons se promènent désœuvrés dans la salle d’audience sans pouvoir remplir leur office. Un vase bleu nuit rappelle l’engouement pour la vaisselle chinoise que l’on continuait à importer et dont les potiers persans réalisaient de fidèles copies dans leurs ateliers. Dans la chambre à gauche, un jeune homme mène une conversation mystérieuse avec un cheikh un peu trop empressé. Comme c’est l’habitude dans la peinture persane, le palais s’ouvre sur un jardin magnifique que laisse entrevoir une balustrade.
Mots-clés
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France