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Le modèle héroïque

Amphore d'Héraclès et de Géryon
Amphore d'Héraclès et de Géryon

Bibliothèque nationale de France

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De quelle étoffe sont faits les héros ? Du héros grec au footballeur la parenté semble faible. Elle est pourtant bien réelle, relevant d'un besoin de toute les sociétés : l'admiration d'un modèle.

Il existe une sagesse du langage. Si le terme « héros » est devenu si fréquent dans notre culture, c’est en vertu d’un rapport plus ou moins étroit avec son sens originel et avec la stratégie de rêverie qui l’a suscité. Sur l’extension des applications de ce mot, le Dictionnaire de la langue française de Littré est éloquent :

Héros.
1. Nom donné dans Homère aux hommes d’un courage ou d’un mérite supérieurs, favoris particuliers des dieux, et dans Hésiode à ceux qu’on disait fils d’un dieu et d’une mortelle ou d’une déesse et d’un mortel.
2. Fig. Ceux qui se distinguent par une valeur extraordinaire ou des succès éclatants à la guerre.
3. Tout homme qui se distingue par la force du caractère, la grandeur d’âme, une haute vertu.
4. Terme de littérature. Personnage principal d’un poème, d’un roman, d’une pièce de théâtre.
5. Le héros d’une chose, celui qui y brille d’une manière excellente en bien ou en mal… Le héros du jour, l’homme qui, en un certain moment, attire sur soi toute l’attention du public.

Le Dictionnaire de la langue française

Du héros grec, qui au sens strict est un être à demi divin, lumineux, surclassant les êtres du commun, au protagoniste du western ou à l’idole du sport, subsiste une parenté, même si celle-ci s’avère parfois lointaine. C’est que tous procèdent d’une rêverie fondamentale de l’humanité, qu’il est important de mettre en pleine lumière, tant elle anime – aujourd’hui encore – un grand nombre de nos représentations.

C’est au début du 20e siècle que commença de s’imposer à l’attention un phénomène étrange : sans qu’on puisse parler, comme on l’avait fait longtemps, d’influence entre les cultures, un peu partout sur la planète avaient surgi dès la plus haute Antiquité des récits dont les ressemblances désormais sautaient aux yeux, les « vies de héros », de surhommes, d’êtres à mi-chemin de la condition des dieux et de la vie humaine ordinaire. Deux sciences nouvelles, la psychanalyse et son aînée d’un siècle, la mythologie, se croisèrent pour rendre compte de ces permanences. L’étude décisive fut signée par un disciple de Freud, Otto Rank, qui publia en 1909 son Mythe de la naissance du héros. À partir de là se succédèrent de nombreux ouvrages, dont les plus illustres furent ceux de Joseph Campbell (1949), de Charles Baudouin (1952), de Carl-Gustav Jung (1953), de Gilbert Durand (1961) et de Jan de Vries (1963).

Active à l’intérieur de nombreux mythes, des épopées, des fragments épiques, des récits politico-guerriers (Alexandre, César, Louis XIV, Napoléon…), une stratégie de rêverie tout à fait singulière – la rêverie d’excellence, le désir secret d’être dieu – se révélait présente dans bien des entreprises littéraires récentes, comme le grand roman de Romain Rolland, Jean-Christophe (1903-1912) ou la poésie de Saint-John Perse. On ne pouvait manquer non plus de la reconnaître à l’origine d’une part considérable des productions de la « culture de masse » : westerns, romans et films policiers, récits sportifs, affiches, bandes dessinées, etc. Évidemment la fréquence même de ces récits « héroïques » explique que périodiquement le scénario apparaisse comme usé jusqu’à la corde : de là l’importance de la parodie, du Don Quichotte (1605) de Cervantès à Lucky Luke, la célèbre bande dessinée de Morris et Goscinny.

Provenance

Cet article provient du site Héros (2007)

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