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Extrait

Les larmes rouges de la répression

Émile Zola, La Débâcle, 1892
Après trois semaines de rudes combats, la révolte des communards est matée et réprimée dans le sang.

À la Roquette, deux cent vingt-sept misérables, ramassés au hasard du coup de filet, furent mitraillés en tas, hachés par les balles. Au Père-Lachaise, bombardé depuis quatre jours, emporté enfin tombe par tombe, on en jeta cent quarante-huit contre un mur, dont le plâtre ruissela de grandes larmes rouges ; et trois d'entre eux, blessés, s'étant échappés, on les reprit, on les acheva. (…)
L'ordre de cesser les exécutions était, disait-on, venu de Versailles. Mais l'on tuait quand même, Thiers devait rester le légendaire assassin de Paris, dans sa gloire pure de libérateur du territoire ; tandis que le maréchal de Mac-Mahon, le vaincu de Froeschwiller, dont une proclamation couvrait les murs, annonçant la victoire, n'était plus que le vainqueur du Père-Lachaise. Et Paris ensoleillé, endimanché, paraissait en fête, une foule énorme encombrait les rues reconquises, des promeneurs allaient d'un air de flânerie heureuse voir les décombres fumants des incendies, des mères tenant à la main des enfants rieurs, s'arrêtaient, écoutaient un instant avec intérêt les fusillades assourdies de la caserne Lobau.

Émile Zola, Œuvres complètes illustrées, La Débâcle : Bibliothèque Charpentier, Fasquelle, 1906.