La France en crise au milieu du 14^e siècle

Guerre de Cent Ans et Peste noire

Vers 1350, dix ans avant la création du franc, le royaume de France vit l'une des pires crises de son histoire. Entamée en 1337, une guerre qui durera plus de Cent Ans voit s'affronter armées anglaises et françaises pour le trône. Supérieurs par leurs armes, les Anglais commencent par remporter par de nombreuses batailles, lorsque les hostilités cessent brusquement, en 1348.

La Peste noire

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La grande peste à Florence

Décaméron de Boccace

Ce manuscrit du Décaméron de Boccace, traduit en français en 1414 d’après une traduction latine de Laurent de Premierfait, s’ouvre par un frontispice représentant un épisode de peste dans la ville de Florence.

Arrivée en Europe en 1348 par l’intermédiaire de navires marchands venus d’Orient, la peste s’est rapidement répandue, décimant la population, surtout dans les villes. Malgré une effrayante mortalité, les autorités municipales parvenaient à s’organiser pour limiter la contagion, isolant les agglomérations, brûlant les effets des malades et inhumant convenablement les morts dans des fosses communes.

La peste a suscité une iconographie macabre abondante, mais ce n’est pas le cas dans cette enluminure, réalisée bien après l’événement, et où l’artiste a choisi de dépeindre un cimetière organisé en ossuaire où sont enterrés les pestifiérés, sans dramatisation de la scène.

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Bibliothèque nationale de France

La cause n'est pourtant pas la conclusion heureuse d'un paix, mais une épidémie dévastatrice. Introduite dans le port de Marseille en 1347, la peste bubonique se propage rapidement le long des voies de communications terrestres et et nautiques. Extrêmement contagieuse du fait de la surpopulation des villes, du manque d'hygiène, de la disette et de l'impuissance de la médecine médiévale, elle s'étend en quelques années sur toute l'Europe : France, Italie, Angleterre, Germanie, Espagne, puis Scandinavie, Pays-Bas, Russie... Pendant dix ans, la vie semble s'arrêter sur le continent.

Les déboires financiers de Jean II le Bon

Les ravages de la peste ont suspendu les hostilités entre le roi de France et le roi d'Angleterre, d'autant que la guerre avait englouti tout l'argent dont le roi de France pouvait disposer. Jean II le Bon convoqua donc les états généraux à Paris ; il obtint des subsides de ces derniers en l'échange d'une promesse de retour à une monnaie stable. De nouveaux impôts lui permirent de solder des troupes mais les états voulaient en compensation contrôler l'affectation des sommes : leur méfiance était forte à l'égard d'un roi considéré comme dépensier et mauvais gestionnaire. Les critiques, appuyées par Charles le Mauvais, roi de Navarre et gendre de Jean le Bon, se multipliaient à l'encontre de l'administration royale. L'emprisonnement de Charles le Mauvais servit de prétexte à la relance de la guerre.

Le désastre de Poitiers et ses conséquences

En 1356, le fils d'Édouard III, appelé le Prince Noir, entreprit un nouveau raid, une « chevauchée », en France. L'armée de Jean le Bon tenta de l'arrêter près de Poitiers. En vain. Le 18 septembre 1356 la défaite des Français fut telle que le roi lui-même fut fait prisonnier.

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Bataille de Maupertuis, dite de Poitiers

Chroniques de Jean Froissart

Le 18 septembre 1356, la bataille de Maupertuis, plus connue sous le nom de bataille de Poitiers, oppose le roi de France Jean II le Bon au fils du roi d’Angleterre, le Prince Noir.

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Bibliothèque nationale de France

Au lendemain de la défaite, Charles, le Dauphin, âgé de seulement 18 ans, convoqua les états généraux à Paris pour résoudre la crise. Ils mirent fortement en cause le régime, alors que le prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel, soutenu par le parti de Charles le Mauvais, soulevait le peuple contre la dernière en date des mutations monétaires. Dans la ville, une grève fut déclenchée dans une atmosphère d'émeute. Au début de l'année 1357, le dauphin, sans appui et sans argent, ne put que céder.

La monarchie fut alors contrôlée par une bourgeoisie et une noblesse qu'animaient un idéal réformateur. Les états entendaient lutter contre le gaspillage en surveillant eux-mêmes la perception des impôts à laquelle ils avaient consenti. Le Dauphin n'avait donc plus les moyens d'agir hors de leur contrôle d'autant qu'il dut promettre de ne plus remuer la monnaie pendant un an par la Grande ordonnance de février 1357. Ce texte proposait une véritable monarchie contrôlée dans laquelle, en particulier, les états généraux fixaient annuellement le cours de la monnaie.

Les troubles civils

Le brigandage des routiers

Dans un tel contexte, nul étonnement à voir fleurir le brigandage. Les campagnes autour de Paris subirent les assaut réguliers de bandes de routiers, mercenaires libérés par la trêve de Bordeaux conclue au lendemain de la bataille de Poitiers. Ces brigands firent régner une forte insécurité entre la Seine et la Loire.

La Jacquerie de 1358

De son côté, le Dauphin, qui prit le titre de régent en 1358, tenta d'exploiter le malaise né des excès de la rébellion parisienne. Il parvint à quitter Paris pour préparer les conditions d'un retour en force.

Devant la menace d'un siège, Étienne Marcel chercha l'alliance avec les paysans, surnommés « Jacques »¹.Une révolte paysanne, la Jacquerie affecta donc en 1358 toute la région parisienne : l'Île-de-France, le Beauvaisis et la Brie, et se propagea même à la Champagne et à la Normandie. Éclatant brutalement en mai et juin 1358, à la suite d'une échauffourée entre pillards et paysans, le mouvement fut extrêmement violent et principalement dirigé contre les nobles : massacres, pillages et incendies de châteaus furent perpétrés. Révoltés par des années de disette et la stagnation des prix du blé, les paysans refusaient de se soumettre à des nobles qui, battus à Poitiers, ne leur paraissent plus remplir leurs fonctions, tout en continuant de les accabler d'exigences pour compenser la crise des profits seigneuriaux et s'acquitter de leurs rançons.

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Assassinat d’Étienne Marcel

Chroniques de Jean Froissart

En 1358, la France est plongée dans le chaos. Jean II le Bon, le roi, est prisonnier des Anglais depuis deux ans. Charles, le Dauphin, âgé de vingt ans, se proclame régent et envisage de faire de Paris sa propre capitale, alors révoltée. C’est le prévôt des marchands, Etienne Marcel, qui mène la bourgeoisie parisienne ; mais il est bientôt dépassé par les jacqueries, révoltes paysannes qui embrasent toute l’île de France. Considéré comme un traître par ses pairs, il est assassiné le 31 juillet 1358, un acte qui prélude à l’écrasement de la Jacquerie par la force.

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Bibliothèque nationale de France

Le traité de Brétigny

Édouard III, roi d'Angleterre, profitant des troubles, tenta en 1360 d'entrer dans Reims pour s'y faire sacrer ; mais la ville lui demeura fermée. Il dut donc se contenter d'une paix, le traité de Brétigny, signé le 9 mai 1360.

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Retour de Jean II le Bon

Grandes Chroniques de France

L’image représente un moment majeur de la Guerre de Cent ans : emprisonné en Angleterre après la bataille de Poitiers (18 septembre 1356), Jean II le Bon, roi de France, est libéré en 1360 après le traité de Brétigny sur la promesse d’une rançon colossale. En décembre de cette même année, après avoir signé à Compiègne l’ordonnance qui établit de nouvelle taxes, et crée solenellement le franc, le roi fait une entrée triomphale dans Paris.

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© Bibliothèque nationale de France

En échange de sa renonciation à la couronne de France, le roi d'Angleterre reçut environ le tiers du pays, notamment la grande Aquitaine, ainsi qu'une énorme rançon de 3 millions d'écus d'or (environ deux années des recettes totales du roi de France) pour racheter Jean le Bon. Le roi de France, libéré sous caution, fit alors une entrée triomphale à Paris en décembre 1360, après avoir signé à Compiègne l'ordonnance qui établit de nouvelles taxes et créa solennellement le franc.

Bien qu'il eût accepté de marier sa fille Isabelle au riche seigneur de Milan, Galéas Visconti, contre 600 000 florins, Jean le Bon, libéré à crédit, devait encore 2 600 000 livres au roi d'Angleterre. Il revint à Londres en janvier 1364 se constituer prisonnier après la fuite de l'un de ses fils laissés en otage, pour garantir le paiement intégral de la rançon. À sa mort en 1364, Charles V, qui lui succèda, s'efforça de remettre le royaume en état en s'appuyant sur des conseillers (des légistes et des théoriciens tels que Nicolas Oresme, évêque de Lisieux et traducteur d'Aristote), sur la bourgeoisie, la noblesse de robe et de petits seigneurs provinciaux. Il inaugura notamment une fiscalité moderne reposant sur des impôts directs et indirects permanents.