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Le 13e siècle, un siècle de mutations
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Pourquoi trouve-t-on des œuvres antiques dans les trésors d’église ?
Une société religieuse

Bibliothèque nationale de France
Couronnement de Lothaire, Lothaire et Richard sans Peur
Couronnement de Lothaire
À Reims, le 12 novembre 954, Lothaire est couronné par l’archevêque Artaud, en présence du comte de Champagne, de l’archevêque de Laon, du duc de Guyenne, de l’archevêque de Langres, du duc de Normandie, de l’évêque de Noyon, du comte de Flandre, de l’évêque de Beauvais et du comte de Toulouse.
La cérémonie du sacre rappelle le baptême (et sacre) de Clovis, par l'évêque de Reims, Rémi, en 498 ou 499. Le roi arrive très tôt à l'aube. La sainte ampoule, objet le plus sacré, est amenée en procession sous un dais par l'abbé et les moines de Saint-Rémi, où elle est conservée. Le roi s'engage par serment à protéger l'Église et défendre la sainte foi catholique, faire régner la paix et la justice, défendre le royaume et faire preuve de miséricorde. Le clergé et le peuple donnent leur assentiment, aux cris de « fiat, fiat », ce qui clôt le pacte entre le roi et le clergé agissant au nom du peuple.
Lothaire et Richard sans Peur (en arrière-plan à droite)
Sur les bords de l’Eaulne, à l’entrée de sa tente, Lothaire s’entretient avec Richard Ier sans Peur, duc de Normandie, pour conclure la paix.
Bibliothèque nationale de France
Un roi très chrétien
Le 25 décembre 498 selon la tradition, Clovis se fait baptiser ; le pouvoir, lié jusqu'alors à des origines familiales (appartenance à la famille de Mérovée) et à des capacités militaires (le roi doit être un chef de guerre), bascule dans la sphère du sacré.
Pépin le Bref, en 754, usurpant le pouvoir aux Mérovingiens, légitime son acte en se faisant sacrer une première fois par l'évêque Boniface, puis par le pape Étienne II.
De même, quand Hugues Capet, élu par ses pairs à la dignité royale, met fin à la dynastie carolingienne, il est sacré à la cathédrale de Reims.
Désormais la cérémonie du sacre donne lieu à un rituel extrêmement codifié, un ordo, qui sera plusieurs fois remanié par des rois soucieux de garantir ainsi leur légitimité.
Une représentation chrétienne du monde

Les trois parties du monde
Le Livre des propriétés des choses (De proprietatibus rerum) s’imposa dans toute l’Europe comme la grande somme médiévale d’histoire naturelle, notamment par le biais de traductions vernaculaires. La version française fut commandée par Charles V à Jean Corbichon, qui acheva sa traduction en 1372. Elle donna lieu à de multiples exemplaires de grand format somptueusement enluminés. Celui-ci a été enluminé par Évrard d’Espinques et porte les armes de Jean du Mas, seigneur de L’Isle-Adam, conseiller et chambellan du roi Louis XI, mort dans la dernière décennie du 15e siècle.
Dans ce livre, plusieurs illustrations représentent la Terre selon la tradition « T dans l’O ». Celle-ci accompagne le premier chapitre du quinzième livre, « qui parle de la division du monde ». Elle montre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, soit les trois parties du monde connu avant la découverte de l’Amérique. L’Asie, la partie du monde la plus étendue, culmine avec Jérusalem qui se découpe sur le ciel. Considérée comme un paradis en ce monde, Jérusalem doit être le plus près possible du Ciel, donc en haut. Le planisphère se trouve ainsi orienté à l’est. En bas, l’Europe et l’Afrique sont séparées par des bras de mer orthogonaux parsemés de petites îles. Les rubans blancs et sinueux à l’intérieur des continents figurent des fleuves fantaisistes.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
En Occident, les mappemondes médiévales héritent des représentations antiques partiellement conservées, et reflètent la manière dont la chrétienté conçoit l'évolution historique et la localisation de l'humanité.
Conformes à la division tripartite du monde dans l'Antiquité – Asie, Libye (Afrique) et Europe –, elles y superposent le partage réalisé après le Déluge entre les fils de Noé : l'Asie des hommes libres ou des prêtres pour Sem, l'Afrique des esclaves ou des travailleurs pour Cham, l'Europe des guerriers pour Japhet. Cette référence biblique permet d'embrasser l'humanité entière dans ses divisions ethniques et sociales. Le schéma géométrique dit en « T.O. » se trouve dans des manuscrits dès le 8e siècle : le cercle des terres habitées rassemble les trois continents inscrits dans le O de l'anneau océanique, séparés par le T formé avec la Méditerranée pour montant et l'axe Nil-Tanaïs (Don) comme barre.
La vision cosmique de la Terre s'inscrit dans une perspective spirituelle et théologique fondamentale. Le centre de l'univers ne peut être que la Terre où Adam et Ève ont vécu, où le Christ s'est incarné et a subi la Passion. La carte est dessinée avec l'Orient et le paradis terrestre en haut ; elle est complétée parfois par la figure du Christ dont la tête apparaît à l'est, les pieds à l'ouest, et les mains au nord et au sud, pour mieux montrer qu'elle est représentation spirituelle de la chrétienté, donc de Jésus incarné parmi les hommes. Cette orientation lui donne sa signification profonde, renforcée par l'indication de son centre géométrique et spirituel, Jérusalem, qui acquiert une valeur particulière dans le contexte de la croisade, à partir du 12e siècle.
L'emplacement du Saint-Sépulcre avec le tombeau du Christ ressuscité en fait « l'ombilic de la Terre habitable » ; c'est de là, à égale distance du paradis terrestre à l'est – au commencement du temps et de l'espace – et de l'Occident – où se dressent les colonnes d'Hercule, signes de l'extrémité de la terre habitée –, qu'a été diffusé le message divin.
Dévoilement de la puissance divine, la mappemonde en T.O. est à la fois un schéma géographique, de plus en plus complexe, et un objet de méditation spirituelle. C'est aussi un récit de l'histoire du salut, inscrit dans la linéarité de l'espace et du temps, depuis l'Orient, lieu de la naissance édénique de l'humanité, jusqu'à l'Occident de la mort et de la fin des temps, en passant par l'événement central de l'incarnation et de la rédemption.
Le temps des cathédrales

Élévations intérieure et extérieure d’une travée de la nef de Reims
Sur cette troisième planche, qui suit les deux précédentes thématiquement, Villard a dessiné côte à côte une vue du dehors et une vue du dedans d’une travée de nef de la cathédrale de Reims. Faute de place, la légende de cette vue est au bas de la page suivante.
« Vesci les montes de leglize de rains & del plain pen dedens & dehors. Li premierd esttavlement des acaintes doit faire cretiaus si q’il puist avoir voie devant le covertic. encontre ce cov(er)tic sunt les voies dedens. & qant ces voies sunt volses & entavlees. adonc reviennent les voies dehors c(on) puist aler devant les suels des verieres. en lentavlement daerrain doit avoir cretiaus, con puist aler devant le covertic. Vez aluec les manieres de tot les montees. »
« Voici les élévations de l’église de Reims et du mur dedans et dehors. Le premier entablement doit comporter des crétiaux afin qu’il puisse y avoir un passage devant la couverture. Derrière cette couverture sont les passages à l’intérieur. Et quand ces passages sont voûtés, et entablés, alors les passages repassent dehors (pour) qu’on puisse aller devant les seuils des verrières. Sur l’entablement supérieur, il doit y avoir des crétiaux (pour) qu’on puisse aller devant la couverture. Voyez ailleurs les façons de toutes les élévations. »
Villard insiste à nouveau sur plusieurs points qui lui tiennent à cœur, notamment les crétiaux qui permettent la circulation le long du bord inférieur de la toiture en appentis du collatéral et ceux qui sont au pied des verrières à ce niveau. Il indique par des traits verticaux épais qu’il y a des passages à travers les contreforts. Il mentionne aussi les crétiaux de l’entablement supérieur, permettant de circuler au pied de la couverture du grand comble.
Il rappelle que, derrière la couverture du bas-côté, comme sur ce qu’il représente en page 64, se trouve la galerie qui passe derrière les colonnettes que l’on voit, sur la vue intérieure de la travée, sous les fenêtres du "clair-étage".
© Bibliothèque nationale de France
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La période médiévale est l'âge d'or de l'architecture religieuse. À partir du 12e siècle, les formes ramassées et arrondies de l'art roman font place à l'architecture élancée et lumineuse des cathédrales de l'art « français », appelé aujourd'hui « gothique ». L'initiative en revient à Suger, abbé de Saint-Denis où sont enterrés les rois de France. Il veut mettre en valeur les nombreuses reliques rassemblées dans son abbaye et fait détruire l'ancienne église carolingienne pour la remplacer par un chœur percé de vastes fenêtres inondant les reliques de lumières. En 1144, pour l'inauguration du nouveau chœur, il invite le roi, les pairs du royaume et tous les évêques de France. Chacun n'aura de cesse de se faire construire une cathédrale plus belle et toujours plus élancée jusqu'à ce qu'en 1284, la voûte de la cathédrale de Beauvais s'écroule…
L'architecture gothique s'affirme jusqu'au 15e siècle, mobilisant d'énormes moyens financiers et humains. Parallèlement, la statuaire, la peinture murale et la sculpture sur bois atteignent des sommets de raffinement.
Auberge de Dieu, la cathédrale sert de refuge à une population de mendiants ou de voyageurs ; vide de chaises, on y déambule librement, on y parle à voix haute ; certains métiers y tiennent réunion pendant que les étudiants y suivent un cours. Les clercs y organisent des mises en scène de l'histoire du Christ qui quitteront bientôt l'intérieur de l'église pour le parvis. À travers mystères et passions, naît ainsi, en France, le théâtre.
Le savoir aux mains de l'Église

L’arbre à alphabet
Opuscule de Geiler von Kaysersberg
L’image illustre le tout début d’un petit manuel scolaire destiné à l’instruction de jeunes moniales du couvent des Pénitentes de Fribourg à l’extrême fin du Moyen Âge.
La métaphore du savoir adopte volontiers, à cette époque, la forme d’un arbre, à l’instar de l’arbre de la connaissance du jardin du paradis terrestre.
Le premier savoir intellectuel à acquérir étant l’alphabet, l’image de l’arbre à alphabet est-elle naturellement venue à l’idée des pédagogues médiévaux, surtout quand ils sont aussi prédicateurs, comme c’est le cas de Geiler von Kaysersberg : car prêcher, c’est planter un arbre, disent ses confrères…
Au pied de l’arbre à alphabet, où les lettres sont accrochées aux branches comme des pommes, les élèves étudient avec leur maître. Ce dernier montre du doigt la lettre a, donnant le sens de lecture (dans celui des aiguilles d’une montre), le d, comme dominus (maître en latin), touche son chapeau, désignant sa profession ; la lettre maîtresse est le M, initiale de la Vierge Marie, les trois dernières lettres, x, y, z, n’ont pas droit à une branche pour elles toutes seules, mais chacune a un surgeon : les lettres dites « grecques » ne sont pas classées sur le même plan que les autres. C’est pourquoi elles apparaissent à part, à la fin de l’alphabet seulement.
Bibliothèque nationale de France
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Durant tout le Moyen Âge, l'Église est, avec les princes, le principal commanditaire des artistes et des artisans ; elle a le monopole de l'instruction et contrôle les grands domaines du savoir.
En 789, Charlemagne ordonne que les évêques et les abbés ouvrent des écoles pour enseigner les psaumes, le chant, le calendrier religieux et la grammaire. Mais la décision de Charlemagne se met lentement en place et, à l'effondrement du pouvoir central au 10e siècle, ne subsistent que les écoles monastiques. Les élèves qui suivent cet enseignement apprennent à écrire sur des tablettes de cire, à lire le latin, assimilent la grammaire à partir des textes des pères de l'Église et des rudiments de calcul en se servant de leurs doigts. À partir du 11e et surtout du 12e siècle, on assiste à un nouveau développement de l'école. Les écoles monastiques disparaissent au profit d'écoles urbaines : écoles cathédrales, écoles canoniques et écoles privées. La multiplication de ces écoles fait des maîtres et des étudiants un nouveau groupe social qui tend à s'organiser. C'est ainsi que naissent au 13e siècle les universités.
Une lente laïcisation

Des rudiments à l’Université
La Grammaire entraîne à l’école un enfant en âge d’apprendre à lire, son cartable au côté. Le bâtiment dont elle ouvre la porte, comme elle ouvre l’enfant à la connaissance, se compose de plusieurs étages. Au rez-de-chaussée, la petite école où le maître enseigne le Donat. Ensuite, le collège et l’université. L’enseignement culmine avec Pierre Lombard et la théologie. L’enfant, en grandissant en âge et en savoir, grimpe d’étage en étage : schola, schola...
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Dans l'histoire de la civilisation occidentale, un tournant décisif se produit au 12e siècle lorsque, dans la chrétienté, la raison commence à concurrencer la foi, le souci de vérité à empiéter sur la croyance, et que les meilleurs esprits, bravant le dogme de la chute originelle de l'homme, aperçoivent pour lui la possibilité d'un progrès matériel et moral. Les signes les plus visibles de ce changement fondamental de mentalité sont dans le renouveau d'une économie marchande et monétaire, qui bouleverse les conditions d'existence, dans l'affirmation des libertés urbaines, l'essor des pouvoirs monarchiques et la naissance des administrations. Ils sont aussi dans la succession rapide des inventions utiles : moulins à propulsions diverses, ponts articulés, horloge mécanique, boussole, gouvernail d'étambot, canon et lettre de change. Mais les signes les plus profonds se manifestent dans le renouvellement des supports et des expressions de la pensée.
L'art du livre

Flavius Josèphe dans son cabinet
© Bibliothèque nationale de France
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Pendant toute la première partie du Moyen Âge, le livre reste le monopole des églises et des monastères. La majorité des livres sont des textes religieux ou des recueils de textes antiques à usage didactique, écrits en latin. À partir de la seconde moitié du 12e siècle, l’essor des villes puis des universités entraîne une demande croissante de livres en langue vernaculaire. De nouvelles structures de production du livre se développent sous le contrôle étroit des autorités universitaires : une organisation du travail se met en place qui partage entre de nombreux scribes les différents cahiers du modèle, l’exemplar, pour en assurer plus rapidement la copie.
Autour d’un nouveau personnage, le libraire, gravitent parcheminiers, copistes, enlumineurs et relieurs. Désormais laïcs, les métiers du livre connaissent à partir du 14e siècle un remarquable épanouissement lié à l’essor du mécénat princier. Les rois, imités par l’aristocratie, encouragent auteurs et traducteurs en distribuant pensions et récompenses et passent commande de manuscrits somptueux.
L’enlumineur est guidé dans son travail par un programme iconographique qui lui est signifié sous forme d’indications écrites ou d’esquisses à la mine de plomb, destinées à être effacées avant la remise de l’ouvrage au destinataire. Celles qui ont échappé au grattoir du libraire constituent un témoignage précieux pour la connaissance des méthodes de fabrication du livre au Moyen Âge.
Seuls les très grands artistes peuvent échapper à l’empire des modèles et procéder parfois à une libre relecture des textes.
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