La Mecque et l’Arabie Sabée

Dès le début du 12^e siècle, des bribes de la culture et de la religion musulmane avaient pénétré en occident. Il y circulait des historiettes recueillies auprès de Chrétiens syriens ou byzantins concernant la vie du Prophète, reprises et amplifiées de chroniques en poèmes, tant en latin qu’en langue vernaculaire. La figuration de la Mecque présente une intéressante et unique variation sur le symbole de la ville, réalisé en doublant l’enceinte et en multipliant le nombre de tours. Dans la première cour, une tâche d’or symbolise peut-être la Kaaba, objet de la dévotion des musulmans. « La Mecque. Dans cette ville se trouve le tombeau de Mahomet, prophète des Sarrasins, qui y viennent de tous les pays en pèlerinage ; et ils disent qu’après avoir vu une aussi précieuse chose, il n’y a plus rien qui soit digne d’être vu. Et là ils se brûlent la vue en honneur de Mahomet. »
La légende qui accompagne l’Arabie Sabée compte parmi les lieux communs répétés depuis l’Antiquité. Hérodote la décrivait déjà dans ses Histoires au 5^e siècle comme “le seul pays au monde qui produise l’encens, la myrrhe, la cassia, le cinnamome et le laudanum”. À cette terre des senteurs est déjà associé le phénix, oiseau des hauteurs. La nouveauté tient davantage dans l’association avec la Reine de Saba qui renvoie à la Bible. Il y est dit qu’elle fit un long voyage pour rendre visite au roi Salomon dans le royaume d’Israël, apportant avec elle de riches présents d’or, de pierres précieuses et de parfums. Connue dans les traditions juives, chrétiennes et musulmanes, la reine est tantôt présentée comme la souveraine du Yémen, tantôt comme la reine de la lointaine Éthiopie. L’Atlas catalan la représente dans la partie de l’Arabie qui porte son nom (Arabia Sebba) et lui donne les traits et l’attitude d’une princesse européenne, blonde et au teint clair, vêtue d’une robe à longues manches fendues, tenant à la main un globe en or : « L’Arabie Sabée est la province que possédait la reine de Saba. Elle est habitée aujourd’hui par des Sarrasins arabes. On y trouve beaucoup d’aromates, tels que la myrrhe et l’encens. Elle abonde en or, en argent et en pierres précieuses. On y trouve aussi, assure-t-on, un oiseau qui s’appelle phénix. »