L'Orient des écrivains

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Constantinople, vue des jardins d’un harem
Istanbul, ancienne Constantinople, est un passage obligé pour les voyageurs orientalistes, artistes et écrivains notamment. Parmi d'autres, Gérard de Nerval en donne une brillante description :
« Stamboul, illuminée, brillait au loin sur l’horizon, devenu plus obscur, et son profil aux mille courbes gracieuses se prononçait avec netteté, rappelant ces dessins piqués d’épingles que les enfants promènent devant les lumières. Il était trop tard pour s’y rendre, car, à partir du coucher du soleil, on ne peut plus traverser le golfe. « Convenez, me dit le vieillard, que Constantinople est le véritable séjour de la liberté. Vous allez vous en convaincre mieux tout à l’heure. Pourvu qu’on respecte les chiens, chose prudente d’ailleurs, et qu’on allume sa lanterne quand le soleil est couché, on est aussi libre ici toute la nuit qu’on l’est à Londres... et qu’on l’est peu à Paris ! »
Il avait tiré de sa poche une lanterne de fer-blanc dont les replis en toile s’allongeaient comme des feuilles de soufflet qui s’écartent, et y planta une bougie : « Voyez, reprit-il, comme ces longues allées de cyprès du Grand Champ des Morts sont encore animées à cette heure. »En effet, des robes de soie ou des féredjés de drap fin passaient çà et là en froissant les feuilles des buissons ; des caquetages mystérieux, des rires étouffés traversaient l’ombre des charmilles. L’effet des lanternes voltigeant partout aux mains des promeneurs me faisait penser à l’acte des nonnes de Robert — comme si ces milliers de pierres plates éclairées au passage eussent dû se lever tout à coup ; mais non tout était riant et calme ; seulement, la brise de la mer berçait dans les ifs et dans les cyprès les colombes endormies. Je me rappelai ce vers de Goethe : Tu souris sur des tombes, immortel Amour !
Cependant nous nous dirigions vers Péra, en nous arrêtant parfois à contempler l’admirable spectacle de la vallée qui descend vers le golfe, et de l’illumination couronnant le fond bleuâtre, où s’estompaient les pointes des arbres où, par places, luisait la mer, reflétant les lanternes de couleur suspendues aux mâts des vaisseaux. » (Gérard de Nerval, Voyage en Orient, 1851)
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Un Orient merveilleux et lointain
Les voyages en Orient remontent aux premiers siècles de l’ère chrétienne, avec des pèlerinages en Terre Sainte fortement ritualisés, accomplis la Bible à la main, sur les traces du Christ. Mais dès la fin du Moyen Âge, Marco Polo révèle un Orient beaucoup plus lointain, source de « merveilles » qui seront associées pour longtemps à l’Asie.

Le Livre des merveilles du monde, Marco Polo
Le Livre des Merveilles commence par un bref récit du voyage que le père de l’auteur, Niccolo, et son oncle Maffeo, ont entrepris en 1260 et non en 1252 comme l’indique le texte. Marco, né en 1254, est alors trop jeune pour les accompagner. « Nobles, sages et avisés », les deux marchands vénitiens se sont embarqués sur un de leurs vaisseaux « chargé de marchandises variées et précieuses ». Ils voguent sans encombre jusqu’à Constantinople où ils font une escale fructueuse en négoce, puis se rendent au port de Soudak sur la mer Noire afin « d’accroître leurs gains et leurs profits ». Ils vont sans doute rejoindre leur frère aîné, Marco « le vieux », qui est installé dans ce comptoir vénitien de Crimée.
En 1260, Constantinople est la capitale de l’Empire latin créé en 1204, à la suite du pillage de Byzance par les Croisés. Les Vénitiens y possèdent une colonie depuis de nombreuses années, ainsi que des comptoirs dans tout l’est de la Méditerranée et jusqu’en Crimée. Les Polo sont des marchands installés à Constantinople depuis une génération, ils sont aisés sans être richissimes. Cependant les privilèges et positions des Vénitiens, principaux appuis de l’Empire latin, se heurtent de plus en plus à ceux de Génois, alliés à Michel VIII Paléologue, empereur byzantin de Nicée rêvant de reprendre l’ancienne capitale impériale. Quand en 1261, les Byzantins reprennent Constantinople, les Polo sont en Crimée. Ne pouvant rentrer chez eux, ils décident d’aller vers l’Est et de s’enfoncer dans les terres des Mongols, que des missionnaires avaient commencé à explorer.
« Pour connaître l’exacte vérité des différentes régions du monde, prenez ce livre, et écoutez-en la lecture. Vous y apprendrez les fabuleuses merveilles de la Grande Arménie, de la Perse, du pays des Tartares et de l’Inde. Tout cela, et bien d’autres choses encore, notre livre vous le racontera dans l’ordre et en détail, suivant le propre récit qu’en fit Marc Polo, sage et noble citoyen de Venise. Il en fut le témoin. Ce qu’il ne vit pas lui-même, il le connut de sources sûres ; et ce sont peu de choses. Nous préciserons donc bien ce qu’il vit réellement, et ce qu’il apprit seulement. De sorte que notre livre sera exact et sans nul mensonge. L’auditeur ou le lecteur pourra y accorder une foi absolue. Tout y est parfaitement vrai. Je peux vous l’affirmer, depuis le temps que le Seigneur créa Adam, notre premier père, nul homme ne parcourut autant du monde ni ne connut autant de ses merveilles que ne fit Marc Polo. Pensant qu’il serait dommage de ne pas rapporter ce qu’il avait appris et vu, il entreprit de le raconter. D’autres pourraient ainsi en avoir connaissance. Il ne resta pas moins de vingt-six ans dans les diverses régions du monde, puis, en l’an 1298 de l’Incarnation du Christ, il fit, point par point, le récit de son voyage à messire Rusticien de Pise, prisonnier avec lui dans les prisons de Gênes. »
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Zadig ou la destinée, Voltaire
L’Orient offre des thèmes et des décors neufs aux écrivains et aux artistes. Racine donne l’exemple avec sa pièce Bajazet (1672), qui met en scène des passions barbares sur fond d’histoire ottomane. Chez Molière, l’irruption du Grand Mamamouchi dans Le Bourgeois gentilhomme (1670) est prétexte au burlesque et à la bouffonnerie. Au théâtre et à l’opéra, ces figures n’ont d’oriental que les costumes et les noms. Avec Crébillon fils (Le Sopha, 1741) ou Diderot (Les Bijoux indiscrets, 1743), ce sont des récits graveleux qui dépeignent, sous les couleurs d’un Orient de fantaisie, la chronique scandaleuse du temps.
La dénonciation du despotisme oriental est souvent une manière de critiquer notre propre régime politique, comme dans les Lettres persanes (1721), de Montesquieu. Inversement, l’apparition de personnages orientaux peut faire valoir une sagesse plus tolérante, moins dogmatique que le christianisme, comme dans Zadig (1737), conte de Voltaire, avec son héros éponyme, sage et philosophe. Dans tous les cas, l’Orient est un miroir destiné à nous renvoyer un double inversé.
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L'Orient à la porte
Le point de vue des femmes

La sultane Validé et Mme Girardin, femme de l’ambassadeur de France
À Constantinople, dans le palais de Topkapi, les épouses et les concubines du sultan habitent dans un quartier réservé aux femmes, le « sérail ». De rares Occidentales eurent l’insigne honneur d’y être invitées, telle Mme Girardin, femme de l’ambassadeur de France, reçue dans les années 1680 lors d’une fête donnée par la sultane Validé, mère du sultan. Ce fut aussi le cas de lady Montagu (1689-1762), femme de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, dont les lettres, écrites entre 1716 et 1718, nous introduisent pour la première fois dans le monde fermé du harem.
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Toute une littérature de voyage féminine sur l’Orient se développera, surtout à partir du 19e siècle, pour tenter d’apporter un point de vue spécifique, en particulier sur les femmes (Suzanne Voilquin, Lucie Duff-Gordon, Amalia Edwards…). Cela n’empêche pas certaines voyageuses de véhiculer malgré tout des clichés ethnocentriques (Ida Saint-Elme, la comtesse Hahn-Hahn, Ida Pfeiffer…).
Bon sauvage ou despote oriental
À la veille de la Révolution française, l’arabisant Claude Savary (Lettres sur l’Égypte, 1785-1786) et l’idéologue Volney (Voyage en Syrie et en Égypte, 1787) donnent deux images assez différentes de l’Égypte ottomane : alors que le premier voyageur a une vision rousseauiste du Delta du Nil, où les habitants pratiqueraient encore l’hospitalité des peuples antiques, le second voit dans les Turcs de purs oppresseurs de l’Égypte, auxquels il attribue la responsabilité de tous les maux, réels ou imaginaires (incurie, décadence, dépopulation…).
C’est d’ailleurs, officiellement, pour libérer l’Égypte du régime turco-mamelouk que Bonaparte envahit cette province ottomane. De cette campagne d'Égypte, Dominique Vivant Denon se fait le chroniqueur, à la fois par l'écrit et en images (Voyage dans la Basse et la Haute Égypte, 1802).
Le voyage en Orient, objet littéraire
La Grèce et l'Orient
La critique du « despotisme » ottoman se retrouve dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811). Avec ce texte qui marque des générations de voyageurs, Chateaubriand fait entrer en littérature le voyage en Orient tout en inventant un parcours circulaire autour de la Méditerranée. Il réactive ainsi la tradition médiévale du pèlerinage en Palestine, tout en valorisant la Grèce antique comme source de la civilisation européenne.

Scène des massacres de Scio
En 1821, les Grecs proclament leur indépendance face à l’empire Ottoman. Les affrontements et les massacres, comme celui de Scio perpétré par les Ottomans, se multiplient. L’Europe, et plus particulièrement la France, l’Angleterre et la Russie, soutiennent les Grecs, les États comme les artistes s’engagent. Leur aide face à la flotte turco-égyptienne, en 1827, est décisive. L’indépendance de la Grèce est reconnue officiellement en 1830. Dans son recueil de poèmes Les Orientales, Victor Hugo raconte les affrontements, donnant la voix tantôt aux Turcs, tantôt aux Grecs, tantôt au Danube, spectateur impuissant qui appelle à la réconciliation des peuples.
« En guerre les guerriers ! Mahomet ! Mahomet !
Les chiens mordent les pieds du lion qui dormait,
Ils relèvent leur tête infâme.
Ecrasez, ô croyants du prophète divin,
Ces chancelants soldats qui s’enivrent de vin,
Ces hommes qui n’ont qu’une femme !
Meure la race franque et ses rois détestés !
Spahis, timariots, allez, courez, jetez
A travers les sombres mêlées
Vos sabres, vos turbans, le bruit de votre cor,
Vos tranchants étriers, larges triangles d’or,
Vos cavales échevelées !
Qu’Othman, fils d’Ortogrul, vive en chacun de vous.
Que l’un ait son regard et l’autre son courroux.
Allez, allez, ô capitaines !
Et nous te reprendrons, ville aux dômes d’azur,
Molle Setiniah, qu’en leur langage impur
Les barbares nomment Athènes ! »
Victor Hugo, Les Orientales, « VI. Cri de guerre du Mufti », sur Gallica
Photo : Shonagon / Wikimedia commons / Domaine public
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L’Acropole, vue de la maison du consul de France, M. Fauvel
Lors de son court séjour à Athènes, à la fin du mois d’août 1806, Chateaubriand logea chez le vice-consul de France, Fauvel, dont la demeure touchait presque à la porte de l’Agora romaine.
« Je ne pouvais être mieux adressé qu’à M. Fauvel pour voir Athènes [...] Rien ne sentait le consul chez mon hôte ; mais tout y annonçait l’artiste et l’antiquaire [...] La maison de M. Fauvel a, comme la plupart des maisons d’Athènes, une cour sur le devant et un petit jardin sur le derrière. Je courais à toutes les fenêtres pour découvrir au moins quelque chose dans les rues : mais c’était inutilement. On apercevait pourtant entre les toits des maisons voisines, un petit coin de la citadelle : je me tenais collé à la fenêtre qui donnait de ce côté. » (Itinéraire de Paris à Jérusalem)
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Du reste, c’est paradoxalement dans le contexte du philhellénisme européen que se révèle la force d’attraction de l’Orient, mélange d’exotisme profond et de projections eurocentriques, qu’on retrouve à travers deux grandes œuvres poétiques, celle de Byron (Le Pèlerinage de Childe Harold, 1812-1818) et celle de Hugo (Les Orientales, 1829). Celles-ci contribuent, avec les tableaux de peintres comme Géricault, Delacroix, Decamps et Marilhat, à faire du Proche-Orient et du Maghreb une destination rêvée des artistes et écrivains tout au long du 19e siècle. Le Divan occidental-oriental de Goethe, publié en 1819, a aussi une postérité considérable, mais surtout auprès d’écrivains et de voyageurs allemands.
Lamartine et Nerval, poètes voyageurs

Souvenirs du Caire
Scènes de la vie orientale. Les femmes du Caire, 1850.
Nerval, toujours fasciné par les figures féminines, s'attardent ici sur les haits des femmes du Caire, dont le mystère est accru par la présence du voile.
« Parmi les riches costumes arabes et turcs que la réforme épargne, l’habit mystérieux des femmes donne à la foule qui remplit les rues l’aspect joyeux d’un bal masqué ; la teinte des dominos varie seulement du bleu au noir. Les grandes dames voilent leur taille sous le habbarah de taffetas léger, tandis que les femmes du peuple se drapent gracieusement dans une simple tunique bleue de laine ou de coton (khamiss), comme des statues antiques. L’imagination trouve son compte à cet incognito des visages féminins, qui ne s’étend pas à tous leurs charmes. De belles mains ornées de bagues talismaniques et de bracelets d’argent, quelquefois des bras de marbre pâle s’échappant tout entiers de leurs larges manches relevées au-dessus de l’épaule, des pieds nus chargés d’anneaux que la babouche abandonne à chaque pas, et dont les chevilles résonnent d’un bruit argentin, voilà ce qu’il est permis d’admirer, de deviner, de surprendre, sans que la foule s’en inquiète ou que la femme elle-même semble le remarquer. Parfois les plis flottants du voile quadrillé de blanc et de bleu qui couvre la tête et les épaules se dérangent un peu, et l’éclaircie qui se manifeste entre ce vêtement et le masque allongé qu’on appelle borghot laisse voir une tempe gracieuse où des cheveux bruns se tortillent en boucles serrées, comme dans les bustes de Cléopâtre, une oreille petite et ferme secouant sur le col et la joue des grappes de sequins d’or ou quelque plaque ouvragée de turquoises et de filigrane d’argent. Alors on sent le besoin d’interroger les yeux de l’Égyptienne voilée, et c’est là le plus dangereux. Le masque est composé d’une pièce de crin noir étroite et longue qui descend de la tête aux pieds, et qui est percée de deux trous comme la cagoule d’un pénitent ; quelques annelets brillants sont enfilés dans l’intervalle qui joint le front à la barbe du masque, et c’est derrière ce rempart que des yeux ardents vous attendent, armés de toutes les séductions qu’ils peuvent emprunter à l’art. Le sourcil, l’orbite de l’œil, la paupière même, en dedans des cils, sont avivés par la teinture, et il est impossible de mieux faire valoir le peu de sa personne qu’une femme a le droit de faire voir ici.
Je n’avais pas compris tout d’abord ce qu’a d’attrayant ce mystère dont s’enveloppe la plus intéressante moitié du peuple d’Orient ; mais quelques jours ont suffi pour m’apprendre qu’une femme qui se sent remarquée trouve généralement le moyen de se laisser voir, si elle est belle. Celles qui ne le sont pas savent mieux maintenir leurs voiles, et l’on ne peut leur en vouloir. C’est bien là le pays des rêves et de l’illusion ! La laideur est cachée comme un crime, et l’on peut toujours entrevoir quelque chose de ce qui est forme, grâce, jeunesse et beauté. »
Gérard de Nerval, Voyage en Orient, 1851.
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Gérard de Nerval, en 1843, opère à son tour une modification géographique. Son récit est rythmé par un séjour prolongé dans trois grandes échelles du Levant que sont Le Caire, Beyrouth et Constantinople. Jérusalem apparaît dans ce contexte comme un « vide » hautement signifiant, étant donné le relativisme culturel et religieux dont témoigne ce Voyage en Orient. Il qui ne paraît sous forme définitive, avec des « contes » figurant dans chacune des grandes parties du récit, qu’en 1851.
Désacralisation
La Terre Sainte n’est pas pour autant évacuée du parcours traditionnel des voyageurs en Orient, mais elle peut désormais faire l’objet de points de vue « hétérodoxes », voire ouvertement critiques. La comtesse Valérie de Gasparin, protestante d’origine genevoise, auteure du Mariage au point de vue chrétien (1843), est très caustique à l’égard de ce qu’elle considère comme des pratiques superstitieuses chez les pèlerins de différentes confessions qui se se rendent à l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre (Journal d’un voyage en Orient, 1848).
CAFÉ. [...] L’avaler sans sucre, très chic, donne l’air d’avoir vécu en Orient.
ORIENTALISTE. Homme qui a beaucoup voyagé.
Avec Flaubert, qui voyage en compagnie de Maxime Du Camp entre fin 1849 et début 1851, les lieux saints constituent eux aussi une étape désacralisante du voyage en Orient ; dans ses notes de voyage (qu’il refuse de publier) et dans sa correspondance (surtout adressée à sa mère et à son ami Bouilhet), il se montre à la fois bon observateur et grand jouisseur. Par ailleurs, il réfléchit déjà à sa propre esthétique et envisage, dans une lettre écrite de Damas, un Dictionnaire des idées reçues, comme s’il pressentait, bien avant Edward Said (Orientalism, 1978), les lieux communs que peut générer la « récitation » orientaliste. Quant à Du Camp, dont les choix de carrière sont différents, il exploite sans hésiter la documentation et les souvenirs qu’il rapporte d’Orient dans une perspective d’écriture tournée vers la société qui doit beaucoup aux saint-simoniens. Il publie ainsi, dès son retour à Paris, un roman fortement inspiré de sa propre expérience orientale (Le Livre posthume, 1853), un récit de voyage (Le Nil, 1854), enfin une nouvelle « égyptienne » (Reïs-Ibrahim, 1854), sans parler d’Égypte, Nubie, Palestine et Syrie (1852), premier grand recueil de photographies orientalistes.
Dernier souffle ?

Pierre Loti en costume arabe dans le salon turc de sa maison à Rochefort-sur-Mer
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En France, l’un des derniers grands représentants de l’orientalisme littéraire est Pierre Loti qui, d’Azyiadé (1879) à Suprêmes visions d’Orient (1921), célèbre la Turquie ottomane, à contre-courant de l’idéologie officielle qui voit dans le sultan affaibli un « homme malade ». Entre autres romans, Loti rédige en 1895 une trilogie (Le Désert, Jérusalem, La Galilée), ultime variation du siècle sur le voyage en Orient. Dans ce clin d’œil désabusé à Chateaubriand, dont l’écrivain fin-de-siècle inverse systématiquement la turcophobie obsédante et le christianisme militant, il chante mélancoliquement ce qu’il reste d’un Empire ottoman qui n’a cessé de se moderniser depuis les années 1830.
Si d’autres voyageurs, au cours du 20e siècle, seront encore attirés par l’Orient, proche ou lointain (Michaux, Butor, Bouvier…), ce rituel viatique où nombre d’écrivains auront cherché, si ce n’est une consécration littéraire, du moins une forme d’autolégitimation, prend fin avec la Première Guerre mondiale.
Provenance
Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017).
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