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Naissance de l’imprimerie en Occident
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L’imprimerie, une invention qui bouleverse l’Europe
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Les incunables
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Quels textes imprime-t-on au 15e siècle ?
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Qu’est-ce que l’imprimerie à caractères mobiles ?
Par Nathalie Coilly -
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Des imprimeurs pionniers au 15e siècle
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Des éditions célèbres au 15e siècle
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Les incunables dans les collections de la BnF
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Les procédés existants avant l’imprimerie
Par Nathalie Coilly -
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La Bible de Gutenberg
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Les conditions d’apparition de la typographie
Par Nathalie Coilly -
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L’évolution des codes du livre au 15e siècle
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L’expérimentation typographique
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Procédés d’illustration du livre imprimé
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Imprimer et illustrer en couleur
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Comment imprimer en couleurs ?
Par Caroline Vrand -
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Avantages et inconvénients de la typographie ?
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Quel accueil pour l’imprimé ?
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Procédés d’illustration du livre imprimé















Si les premiers décors de livres imprimés furent confiés à la main des peintres enlumineurs, quelques typographes entreprenants ont expérimenté les fondamentaux techniques sur lesquels repose l’illustration du livre imprimé jusqu’à la fin du 18e siècle : peinture, pochoir, gravure en taille d’épargne sur bois ou sur métal et taille-douce. Jamais sans doute n’avaient existé autant de manières différentes, quoique pertinentes, de faire un livre que dans la seconde moitié du 15e siecle.
Premières expérimentations à Mayence
Fust et Schöffer ont, dès 1457, expérimenté l’impression d’éléments ornementaux : le Psautier de Mayence comporte des initiales filigranées imprimées au moyen de deux blocs métalliques imbriqués (l’un, portant la lettre, enchâssé dans l’autre, portant le décor filigrané), encrés chacun dans une couleur différente (bleu et rouge), et intégrés dans la forme typographique.
Ce Psautier exceptionnel est le deuxième grand livre imprimé à Mayence après la Bible et il a donc été imprimé en trichromie de manière à ce que les trois couleurs, noir, rouge et bleu, soient obtenues en un seul passage sous presse. Cette expérimentation d’une grande complexité est restée sans postérité immédiate.
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Impressions xylographiques rhénanes
La « Bible des pauvres » est apparue au Moyen Âge central, avec pour but d’expliciter le lien entre les deux testaments. Chaque page juxtapose une scène de la vie de Jésus et deux scènes de l’Ancien Testament qui la préfigurent. Largement diffusée à la fin du Moyen Âge, elle était utilisée soit dans le cadre de la dévotion privée soit, par des curés, dans l’exercice de leur ministère. Elle a pu être imprimée, comme ici, en xylographie, technique qui permet une grande continuité entre le texte et l’image.
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Premiers incunables illustrés à Bamberg
Les premières expérimentations significatives en matière d’image imprimée se firent à Bamberg, à partir de 1461, dans l’atelier d’Albrecht Pfister, qui avait sans doute entretenu des liens avec Gutenberg. Il fut le premier typographe à avoir opéré la jonction entre l’image xylographique et le texte typographique. Ses éditions témoignent des tâtonnements propres aux premiers temps de l’innovation.
Pfister opta d’abord pour une impression du texte et de l’image en deux temps, avant de placer côte à côte, sous la même presse, caractères typographiques et matrices xylographiques. Ses Bibles des pauvres, rendent compte d’une imbrication audacieuse de l’image et du texte, transposition directe de la mise en page des Bibles des pauvres xylographiques.
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Premiers incunables illustrés à Bamberg
Pour d’autres textes, Pfister préféra une mise en page héritée de la tradition manuscrite, avec des vignettes horizontales ou, comme ici, des illustrations en pleine page.
Cet ouvrage constitue le premier exemple d’une édition illustrée d’un récit populaire en langue vernaculaire allemande. Il s’agit d’un texte allégorique relatant les plaintes d’un veuf contre la Mort, que Pfister enrichit de cinq gravures sur bois en pleine page. Ici, le veuf se tient à côté du trône de la Mort, devant laquelle même le pape et l’empereur ôtent leur couronne.
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Perfectionnement de la technique en Allemagne du Sud
Les expérimentations de Pfister ouvrirent la voie à une longue tradition du livre illustré en Allemagne du Sud, notamment à Augsbourg, Ulm et Nuremberg. Plusieurs villes rhénanes se distinguèrent rapidement par la qualité de leurs illustrations.
À Ulm, Joannem Zainer se spécialisa dans l’édition illustrée. Son Boccace est la première édition allemande du texte de l’auteur florentin et aussi l’un des premiers parmi les cinquante-cinq ouvrages ornés de gravures sur bois qu’il publia entre 1473 et 1500. Les éditions de Zainer sont marquées tant par la qualité esthétique des images que par leur inflation quantitative. Le Boccace contient soixante-dix-neuf bois, ce qui reste peu en comparaison du programme iconographique de sa Vie et Fables d’Ésope qui, en 1476-1477, en compte deux cents. Les bois du Boccace furent sans doute exécutés en collaboration avec un artiste, qui demeure malheureusement anonyme malgré les tentatives d’identification.
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À Genève, une remarquable mise en couleur
La première édition du texte de Jean d’Arras, publiée à Genève en 1478 par l’Allemand Adam Steinschaber, est à la fois le premier ouvrage illustré imprimé dans cette ville et l’un des deux premiers textes français illustrés. Soixante-trois gravures racontent les aventures de la fée, condamnée à se changer tous les samedis en serpent et forcée de disparaître lorsque son époux l’épia sous cette forme durant son bain.
Ces bois sont des copies, libres et en miroir, de ceux d’une édition allemande imprimée à Bâle vers 1475. L’exemplaire de la BnF est remarquable par sa mise en couleur, dont la disparité de soin laisse penser que plusieurs enlumineurs sont intervenus. Le plus délicat d’entre eux a veillé à ne pas recouvrir les traits noirs de la xylographie, un travail d’une minutie peu habituelle.
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En France : l’un des premiers livres imprimés illustrés à Lyon
Dans la seconde moitié du 15e siècle, Lyon était une ville de foires à la croisée des routes commerciales de l’Europe du Nord et de l’Italie. Mais la ville n’abritant pas d’université, on ne pouvait y escompter une clientèle de professeurs et d’étudiants. Buyer et son associé, le typographe wallon Guillaume Le Roy, donnèrent donc à la production imprimée lyonnaise une orientation propre à séduire un second cercle de lettrés, celui des élites administratives et marchandes, qui maniaient l’écrit sans pour autant posséder de nombreux livres manuscrits. Lyon a publié certains des premiers livres en français et les premiers livres français illustrés.
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Une technique vite abandonnée : la gravure sur métal en relief
La gravure sur métal en relief – dite aussi gravure en criblé en raison des semis de points exécutés au poinçon qui « criblent » souvent les compositions – apparut vers 1450. Pour l’imprimeur, elle présentait l’avantage de supporter la même presse que les caractères typographiques puisque les zones encrées sont celles en relief. La Passion Stöger en est un bel exemple.
Le criblé ne connaît pas la même postérité que la xylographie et, plus tard, la taille-douce. Malgré son succès considérable dans le monde du livre, vers 1500, auprès de quelques-uns des plus importants libraires parisiens spécialisés dans la production de livres d’heures richement illustrés, cet engouement, ne dura pas au-delà de la deuxième décennie du 16e siècle.
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Le foyer bâlois
La ville universitaire rhénane de Bâle s’imposa dès 1468 comme un centre d’imprimerie de premier ordre, avec plus de soixante-dix imprimeurs recensés dans la seconde moitié du 15e siècle. Bâle se spécialisa rapidement dans l’édition illustrée, Bernhard Richel étant le premier à enrichir ses ouvrages de bois gravés, à partir de 1475. Son Spiegel menschlicher Behaltnis constitue un jalon déterminant, avec un ambitieux programme iconographique comprenant près de trois cents illustrations. Richel vendit rapidement ses bois à Martin Huss qui, à Lyon, s’en servit pour publier l’un des premiers ouvrages abondamment illustrés imprimés en France.
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Le foyer strasbourgeois
En quelques années, Strasbourg s’imposa comme un foyer de premier ordre pour l’impression de livres illustrés et on estime que plus de dix mille bois y furent gravés à cette fin entre 1472 et 1520. Johann Prüss et Johann Grüninger furent pionniers dans ce domaine. Le premier, originaire du Wurtemberg, fut actif à Strasbourg de 1480 à sa mort en 1510. Plus de six cent cinquante bois ont été repérés dans ses publications, qu’il récupérait parfois auprès d’autres imprimeurs. Il pouvait aussi prendre modèle sur une édition antérieure, comme c’est ici le cas pour les Voyages de Jean de Mandeville, dont le programme iconographique reproduit fidèlement celui d’un ouvrage paru à Bâle en 1481.
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Une magnifique réussite à Strasbourg
En 1502, la parution des Opera de Virgile, première édition illustrée des œuvres du poète antique, marqua une véritable rupture dans la tradition strasbourgeoise du livre imprimé illustré, tant par le nombre de bois gravés, leur format que leur aboutissement stylistique.
Originaire du Wurtemberg, formé à Bâle et actif à Strasbourg de 1483 à 1531, Grüninger se distinguait par une grande inventivité. Cette publication constitue l’apogée de son activité. Deux cent quatorze bois y sont gravés, dont près de quarante en pleine page, comme celle-ci, illustrant le moment où Énée rencontre aux Enfers les suicidés et les nouveaux nés injustement condamnés à mort. Sébastien Brant, qui révise le texte de Virgile pour cette édition, est sans doute intervenu dans la conception du programme iconographique de cette édition qui connut une fortune considérable.
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Venise : de la tradition enluminée au triomphe de la xylographie
À Venise et Paris, qui étaient pourtant des centres d’imprimerie de premier plan, il fallut attendre les années 1490 pour voir la xylographie conquérir le livre imprimé. Les imprimeurs vénitiens restèrent, dans un premier temps, fidèles à la tradition de l’enluminure mais expérimentèrent aussi très tôt des procédés permettant de mécaniser l’exécution des bordures décoratives, explorant alors des voies à mi-chemin entre l’enluminure et la gravure.
Le Songe de Poliphile, issu des presses de l’imprimeur humaniste Alde Manuce en 1499, marque sans doute l’apogée du style vénitien. Livre illustré le plus célèbre de la Renaissance, sa renommée est en grande partie due aux cent soixante-dix gravures sur bois qu’il contient. Malgré des tentatives d’attribution à Benedetto Bordon, l’artiste à qui l’on doit ces compositions demeure inconnu.
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Les débuts de la taille-douce
Mais, depuis les années 1470, quelques imprimeurs avaient recouru à un autre procédé : la gravure sur métal. Techniquement incompatible avec la presse à bras, la gravure sur cuivre, en creux (ou taille-douce), avait déjà été expérimentée par plusieurs orfèvres. Mais elle n’offrait alors pas aux imprimeurs la facilité de la xylographie – qui, en relief comme les caractères typographiques, pouvait être imprimée en même temps qu’eux. Cependant, la finesse qu’elle autorisait en séduisit quelques-uns. Après trois premières expérimentations à Cologne, Bruges et Florence, Niccolò di Lorenzo entreprit un projet bien plus ambitieux, dont la réalisation montre des signes d’hésitation : La Divine Comédie de Dante, imprimée à Florence en 1481, est le premier livre offrant un véritable programme d’illustration par la gravure sur cuivre. Sur cette page d’ouverture, la gravure illustrant le premier chant a été imprimée sur le même papier que le texte typographique.
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Une planche originale de Baccio Baldini, ou son atelier
Cette planche a été réalisée pour l’édition de la Commedia gravée par Baccio Baldini d’après Botticelli.
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Premières illustrations en taille-douce en France
L’illustration par la taille-douce fut également expérimentée en France, à Lyon, où Michel Topié et Jacques Heremberck imprimèrent en 1488 la traduction française du Pèlerinage de Jérusalem de Bernhard von Breydenbach, premier grand livre de voyage, dont les éditions allemande et latine étaient parues à Mayence en 1486.
L’illustration par la taille-douce reste donc anecdotique au 15e siècle. Il faudra attendre le dernier tiers du 16e siècle pour que le procédé supplante l’illustration par la gravure sur bois en Europe, à l’exception des productions populaires.
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Bibliothèque nationale de France : d’après les textes de Nathalie Coilly, Réserve des Livres rares, et Caroline Vrand, département des Estampes et de la photographie, pour le catalogue de l’exposition Imprimer ! L’Europe de Gutenberg, 1450-1520, 2023.