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Le judaïsme et l’image
Le judaïsme et l’image

© Bibliothèque nationale de France
Un pont suspendu entre lettres et nombres
La page tapis n’a pas qu’un rôle ornemental. Elle peut avoir aussi des significations dont la résonance est profonde. Ici, le nombre des formes géométriques qui reprend sous forme de calligrammes des notes sur le texte hébreu de la Bible, est égal à vingt-trois qui en hébreu équivaut à la somme des lettres composant le nom divin le rendant ainsi « visible ».
© Bibliothèque nationale de France
L’interdiction du second des dix commandements, « Tu ne feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel ou en bas sur la terre ou dans les eaux au-dessous de la terre », semble avoir été interprétée avec plus ou moins de rigueur selon les époques et selon les lieux, comme en témoignent les pavements des synagogues de Galilée, les fresques de Doura-Europos, les enluminures et les peintures des manuscrits hébreux médiévaux.
On trouve aussi dans les traités du Talmud des représentations du mobilier du temple et ce sont les rituels de prières et les haggadah qui sont le plus richement illustrés. La micrographie est une manière de contourner cet interdit : souvent abstraite ou géométrique mais parfois figurative, représentant des personnages ou des animaux, elle affecte l’apparat critique de la massore. Elle peut être simplement ornementale ou proposer des significations profondes en résonance avec le texte.

Une Alliance gravée dans la pierre
À l’instar du code d’Hammurabi consignant solennellement vers 1750 avant notre ère sur une haute stèle en basalte noir les décrets publiés par le roi de Babylone, les tables de la Loi ont été gravées – d’après le récit biblique – sur de la pierre. L’Exode (XXIV et XXXIV) rapporte en effet que les « Dix Paroles » furent révélées à Moïse sur le mont Sinaï et que Dieu les grava de son doigt sur deux tables écrites sur l’une et l’autre face, tandis que « la nuée couvrait la montagne » et que la gloire de YHWH revêtait aux yeux des enfants d’Israël restés au pied de la montagne « l’aspect d’une flamme dévorante ».
Ces tables ainsi que le mobilier du Temple sont représentés dans cette bible sur le feuillet de droite en haut à gauche comme si, pour les voir, l’on avait ouvert les portes de l’arche d’Alliance, l’armoire d’acacia que Moïse avait fait construire pour les conserver et les transporter ; les premiers mots de chacune des Dix Paroles sont inscrits en hébreu non vocalisé.
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France

Une figuration voilée
Le chapitre XV de l’Exode relatant le passage miraculeux de la mer Rouge par les Hébreux est orné d’un décor micrographique réalisé au moyen de l’apparat massorétique ; des formes simples, stylisées et géométriques illustrent l’épisode dont il est question ici : les Hébreux sont partis au milieu de la nuit, Pharaon pleure son premier-né, avant de se raviser et de se mettre à leur poursuite avec son armée ; bloqués devant la mer, les Hébreux crient vers Dieu, Moïse étend les mains, les flots refluent, permettant au peuple de passer à gué, et se referment ensuite sur Pharaon et son armée. Les cercles reliés par un rectangle situés en haut du manuscrit suggèrent probablement les roues des chars de l’armée égyptienne évoqués dans le chant de victoire. Les formes situées au bas du feuillet 38 semblent évoquer les remous de la mer Rouge, illustrant le verset 8 : « Au souffle de ta face les eaux s’amoncellent, les ondes se dressent comme une digue, les flots se figent au sein de la mer. »
© Bibliothèque nationale de France
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Bible hébraïque, Massore
« Et Joseph adjura les enfants d’Israël en disant : "Oui, le Seigneur vous visitera et alors vous emporterez mes ossements de ce pays." Joseph mourut âgé de cent dix ans ; on l’embauma, et il fut déposé dans un cercueil en Égypte. » (Genèse, l, 25-26.)
L’utilisation de la massore comme décor est l’une des plus anciennes traditions de la calligraphie juive. Le copiste dessinait sur le parchemin un décor à la pointe sèche – lignes brisées, entrelacées, fragmentées, courbes, compositions végétales élaborées ou simples motifs géométriques –, sur lequel il traçait les lettres en écriture micrographique, la massore se trouvant habituellement dans les parties marginales en lignes parallèles, horizontales ou verticales par rapport au texte. Dans ce manuscrit espagnol, ouvert au dernier verset de la Genèse, où l’on raconte la mort de Joseph et son embaumement, le calligraphe, illustrant les derniers mots du livre, a inséré un décor micrographique représentant le cercueil en métal que les Égyptiens avaient immergé dans le Nil, cachant aux Hébreux le lieu de sa sépulture et pensant ainsi les empêcher de quitter l’Égypte car ils avaient juré de ne pas partir sans emporter les os du patriarche ; conformément au récit du Midrash, l’artiste l’a représenté flottant sur le Nil au moment où, Moïse, au bord du fleuve, ayant appelé quatre fois Joseph par son nom, le cercueil « aussi léger que le roseau » remonte et flotte à la surface des eaux.
© Bibliothèque nationale de France
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