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Jean Meslier et son Testament

Portrait du curé Meslier
Portrait du curé Meslier

Bibliothèque nationale de France

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Jean Meslier, obscur curé d'un petit village des Ardennes, a entrepris en solitaire un projet gigantesque et révolutionnaire à bien des égards : dénoncer les causes de la domination des puissants et l'imposture religieuse, exhorter le peuple à se libérer du « gouvernement tyrannique des princes et des prêtres » . Sa pensée radicale a été étonnament occultée dans l'histoire des idées du 18e siècle et même Voltaire, qui fit éditer en 1762 son Mémoire de ses Pensées et Sentiments sous le titre de Testament, préféra transformer l'athéisme de Meslier en déisme. Se livrant à une dénonciation de toutes les oppressions, Meslier fut également précurseur d'un idéal communiste et exprima avant l'heure des idées féministes et antispécistes.


 

Jean Meslier (1664-1729) , curé mais athée

Fils d'un marchand de Mazerny, village ardennais, Jean Meslier, après de bonnes études au séminaire de Reims, est nommé, en 1689, curé d'Étrépigny et de Balaives, non loin de Charleville et de Sedan. Il y exercera son ministère pendant quarante ans, sans doute à la satisfaction de ses paroissiens paysans. Le seul fait notable dans sa vie est un conflit qui l'oppose au seigneur local accusé par Meslier d'opprimer les villageois. Très cultivé mais isolé dans sa province (il n'est jamais venu à Paris comme on l'a prétendu), il élabore un volumineux traité philosophique et politique qui, pour la première fois, associe la revendication égalitaire des jacqueries à l'expression d’un matérialisme athée issu d'une tradition qui remonte à l'antiquité.

 Toutes les religions ne sont qu’erreurs, qu’illusion et imposture… inventées par de fins et rusés politiques… pour tenir plus facilement… le commun des hommes en bride, et faire d’eux tout ce qu’ils voudraient.

Jean Meslier, Testament , 1725

Entré dans l'Église sans avoir la foi, Meslier, dans les conditions de l'ancien régime, a pu concilier, non sans déchirement intérieur, un rôle social, humanitaire et culturel, de clerc  au service de la communauté rurale (il est le premier à avoir tenu  correctement les registres des naissances, mariages et décès de ses deux paroisses), et des convictions personnelles radicalement antireligieuses et anti­monarchiques. Sa violence de style, qui le pousse à exalter l'assassinat d'Henri IV par Ravaillac, le situe au-delà des aspirations des Lumières.

Son Testament (1725), une pensée radicale

 Le vrai péché originel pour les pauvres peuples est de naître, comme ils le font, dans la pauvreté, dans la misère, dans la dépendance et sous la tyrannie des grands.

Jean Meslier, Testament, 1725

Né en 1669, Jean Meslier occupa sans bruit de 1689 à sa mort, en 1729, la cure d’Étrepigny, humble village champenois où le seigneur possédait l’essentiel des terres arables et la moitié des bois. Mais il légua à ses paroissiens un « Mémoire de ses Pensées et Sentiments […] sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les Divinités et de toutes les Religions du monde… ».

Testament de Jean Meslier
Testament de Jean Meslier |

Bibliothèque nationale de France

Voltaire par Maurice-Quentin de Latour
Voltaire par Maurice-Quentin de Latour |

Bibliothèque nationale de France

Remarqué par Voltaire dès 1735, le Testament du curé Meslier trouva rapidement sa place parmi les manuscrits clandestins athées et libertins. Une centaine de copies circulaient lorsque Voltaire en publia des extraits en 1762 dans le contexte de l’affaire Calas. Les hommes des Lumières apprécièrent le matérialisme athée de l’auteur. Ils passèrent sous silence sa contestation radicale des inégalités qui débouche sur un idéal, archaïque il est vrai, de communisme agraire. La pensée sociale de Meslier fut d’abord étudiée en Union soviétique avant d’être mise en valeur en France par une édition critique dans les années 1970.

Provenance

Cet article provient des Essentiels de la littérature (2015)

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