Formes et couleurs du monde médiéval

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Mappemonde de Lambert de Saint-Omer
Les cartes schématiques du monde accompagnent, dans certains traités savants, des descriptions détaillées de la sphère terrestre telle qu’on la concevait alors. Lambert (vers 1061-1125) chanoine de l’abbaye de Saint-Omer, dans le nord de la France, est un commentateur des textes scientifiques de l’Antiquité. Le Liber floridus, conservé dans plusieurs manuscrits richement enluminés, se présente comme une synthèse des savoirs de son époque sur le monde et les astres.
Lambert de Saint-Omer reprend dans ce schéma les concepts des auteurs latins Macrobe et Martianus Capella. Il propose ainsi une représentation d’une moitié de la sphère terrestre. L’Orient est placé en haut de la mappemonde, qui est divisée en une zone habitable au nord de l’équateur et un vaste océan au sud. L’océan Indien, confondu avec la mer Rouge (reconnaissable à sa couleur !), est situé à l’Extrême-Orient, non loin du paradis terrestre.
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De la mappa à la mappemonde
À l’origine, le mot mappa servait à désigner un morceau d’étoffe, une serviette, une nappe et plus précisément encore le chiffon qui donnait le signal de départ des jeux du cirque. À partir du 9e siècle, le mot devait s’appliquer à la représentation graphique du monde, passant de la désignation du support à celle du contenu. Ainsi de nombreux catalogues de bibliothèques font allusion à ces « mappemondes », sans doute des « cartes », rouleaux de parchemin conservant la représentation du monde, dont la plupart sont aujourd’hui disparus. Enfin, en s’élargissant à partir du 11e siècle, l’expression désigne indifféremment, et non sans équivoque, autant la description littéraire que la représentation figurée. Outre Pierre de Beauvais, c’est sous le terme de « mappemonde » que Hugues de Saint-Victor et plus tard Paulin de Venise nous ont transmis leurs ouvrages traitant de la description du monde.
Formes, couleurs, orientation
Les trois modèles

Mappemonde partagée en zones climatiques
Contenu dans un manuscrit de Macrobe du 11e siècle, cette mappemonde d’environ 17,7 cm, orientée au nord, représente un hémisphère terrestre scindée en deux parties par l’Océan dont les flots sont figurés en vert. La surface terrestre est ici partagée en grandes zones climatiques : au nord et au sud, deux zones froides inhabitables ; au centre, la zone torride, perusta zona, que traverse l’Océan équatorial, tout aussi inhabitable ; entre les zones froides et la zone torride, deux zones tempérées : au sud, temperata antipodum, vide ; au nord la zone tempérée habitée par les hommes, temperata nostra, traversée par la Méditerranée, indentée par la mer Caspienne, conçues toutes deux comme des golfes de l’Océan ; au sud, la mer Rouge (Mare rubrum). Sont précisées la ville de Siene en Égypte et les Orcades, à l’ouest, au large des côtes.
Autour de la terre sont indiqués les grands flux océaniques issus de l’Océan principal, à l’est et à l’ouest, se dirigeant vers le nord et le sud où ils se rencontrent, formant ainsi un second anneau océanique perpendiculaire au précédent.
En 54 av. J.-C., dans Le Songe de Scipion de Cicéron, Scipion Émilien, le vainqueur de Carthage, s’élève en songe au plus haut des cieux où résident les âmes d’exception. De ce point culminant, il regarde la Terre qu’il a quittée et les régions émergées lui apparaissent réduites à la dimension « d’une sorte de petite île, baignée tout alentour par la mer […] Atlantique, la grande mer, l’Océan » ; il s’étonne : « Combien cet Océan, malgré un nom si considérable, est petit ». C’est cette vision d’une Terre réduite à une modeste boule, envisagée depuis la demeure de Jupiter que rejoindront plus tard des empereurs divinisés, que concrétise, selon certains spécialistes, le globe sur la majorité des monnaies où il apparaît.
Extrait de la République de Cicéron, Le Songe de Scipion ne fut longtemps connu que par le commentaire qu’en donna Macrobe. L’œuvre constitua l’un des principaux canaux par lesquels se répandit la pensée platonicienne dans l’Occident médiéval.
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Octavianus Augustus tenant un globe tripartite
Le Liber Floridus, composé par un chanoine de l’abbaye de Saint-Omer et achevé en 1120, rassemble des connaissances variées sur l’histoire sainte et contemporaine (la première croisade), la géographie et l’astronomie. L’empereur tient ici dans la main un globe tripartite.
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On a coutume de regrouper les mappemondes en trois grandes familles : les mappemondes hémisphériques, les œcuméniques et celles de type « mixte ».
Les mappemondes hémisphériques représentent l’un des hémisphères dans son entier, généralement l’hémisphère supérieur, comprenant non seulement la région habitable connue, au nord, mais également la partie continentale habitable inconnue qui se trouve au sud de l’équateur. Les mappemondes œcuméniques, en revanche, ne s’intéressent qu’au seul espace habité par les hommes : l’œkoumène des Grecs, l’orbis terrae des Romains, ce que l’on appelle au Moyen Âge nostra habitatio. Le plus souvent sous forme d’un schéma réduit à son expression la plus simple, une figure en TO.
Cette image simple est cependant hiérarchisée : l’Asie, par son étendue, deux fois supérieure à celle des autres parties, et par sa situation à la fois orientale et sommitale, occupe une position dominante. Elle joue un rôle privilégié, parfois souligné dans le graphisme de son nom. Tandis que l’Afrique – déclarée dès le 5e siècle par Orose « plus petite et inférieure en tout » – occupe chichement un peu moins de la moitié de la partie inférieure.

Mappemonde d’Ebstorf
Cette grande mappemonde d’environ 12 m2, réalisé au 13e siècle pour le couvent d’Ebstorf en Allemagne, devait être déployée aux yeux des religieuses, fidèles et pèlerins. Elle se présente comme un cercle figurant l’orbis terrae, la terre habitée, l’œkoumène des Grecs, nostra habitatio pour les auteurs médiévaux.
Orientée l’est en haut, cette mappemonde figure les trois parties du monde connu, l’Afrique, l’Asie et l’Europe, enserrées entre les bras du Christ. Le jardin d’Éden avec Adam et Ève est représenté à l’est, à droite de la tête du Christ. Au centre est figurée Jérusalem, « ombilic de la terre », symbole de la victoire sur les ténèbres et sur la mort. Les pieds du Christ apparaissent ici aux limites de l’Occident situées en bas de la carte. Les figurations sont mises en scène par un long texte écrit à l’encre noire, emprunté pour beaucoup à Isidore de Séville, et dont certaines parties ont disparu ou n’ont pu être restaurées. L’océan Indien, parsemé d’îles, est réduit à un espace maritime étroit, allongé vers l’est, entre l’Asie et l’Afrique.
Plus qu’une disposition des lieux, la mappemonde indique aussi le sens du temps : « La providence divine, en faisant que les évènements qui, à l’origine du temps, se passaient à l’Orient aient pour lieu, en quelque sorte, le début de l’espace, tandis que le centre des choses se déplaçait ensuite vers l’Occident à mesure que le temps s’écoulait vers son terme, a voulu nous amener à comprendre que la fin de notre âge est proche, puisque la marche de l’histoire a déjà atteint l’extrémité de l’espace. » (Hugues de Saint-Victor)
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Cette figure élémentaire très répandue voisine avec d’autres images plus élaborées, où la forme traditionnelle du TO tend à disparaître, à s’estomper derrière la complexité du tracé, tandis que les légendes et les vignettes occupent une place de plus en plus importante. À l’intérieur des trois parties du monde viennent s’ajouter, « ramassés sur une seule page : les régions, les provinces, les îles, les villes, les déserts, les marais, les mers, les montagnes, les fleuves ». Les montagnes sous forme de chaînes ou de massifs constituent comme l’ossature de la terre. Les fleuves sont signifiés par deux traits parallèles, souvent coloriés, en vert ou en bleu, surdimensionnés. Des vignettes urbaines, sous forme de tours, de murailles ou d’églises, évoquent les cités comme autant d’empreintes de l’homme sur la terre, jusqu’aux hommes eux-mêmes, présents dans leur diversité et leur étrangeté.
Enfin, il existe une troisième catégorie, intermédiaire, que l’on pourrait qualifier de mappemondes mixtes, où se combinent la forme hémisphérique et la configuration de l’œkoumène. Ce type est extrêmement répandu au 12e siècle. On en trouve de nombreux exemples dans le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer et dans les manuscrits des œuvres de Guillaume de Conches.
Des images peintes ou coloriées

Mappemonde de Lambert de Saint-Omer
Les cartes schématiques du monde accompagnent, dans certains traités savants, des descriptions détaillées de la sphère terrestre telle qu’on la concevait alors. Lambert (vers 1061-1125) chanoine de l’abbaye de Saint-Omer, dans le nord de la France, est un commentateur des textes scientifiques de l’Antiquité. Le Liber floridus, conservé dans plusieurs manuscrits richement enluminés, se présente comme une synthèse des savoirs de son époque sur le monde et les astres.
Lambert de Saint-Omer reprend dans ce schéma les concepts des auteurs latins Macrobe et Martianus Capella. Il propose ainsi une représentation d’une moitié de la sphère terrestre. L’Orient est placé en haut de la mappemonde, qui est divisée en une zone habitable au nord de l’équateur et un vaste océan au sud. L’océan Indien, confondu avec la mer Rouge (reconnaissable à sa couleur !), est situé à l’Extrême-Orient, non loin du paradis terrestre.
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L’Océan et les mers – qui communiquent toutes avec lui, y compris la mer Caspienne que l’on prend jusqu’au 13e siècle pour un golfe de l’Océan septentrional – sont souvent peints en vert. Si la mer Rouge prend la couleur de son nom, ce n’est pas, précisent les auteurs, que ses eaux soient rouges – l’eau est un élément incolore – mais simplement parce que la terre alentour est rouge – de corail ou de minium c’est selon – et communique sa couleur aux eaux. L’eau douce des fleuves est parfois soulignée de bleu, les montagnes coloriées en brun, voire en rouge.
Des images orientées

Mappemonde de Pietro Vesconte
Le modèle de cette mappemonde fut réalisé par le cartographe génois Pietro Vesconte pour un marchand vénitien, Marino Sanudo, auteur d’un traité de croisade, le Liber secretorum fidelium crucis, présenté au pape en 1321. Elle fut également utilisée par l’historien franciscain Paulin de Venise dans sa Chronologia magna (1329). Orientée vers l’est selon la tradition latine, elle s’inspire néanmoins de modèles arabes et, au-delà, de la Géographie de Ptolémée. Elle montre clairement la position de l’océan Indien par rapport à la Méditerranée et la forme de la mer Rouge et du golfe Persique de chaque côté de la péninsule arabe. La forme générale de la mappemonde, et surtout du cours du Nil et de l’Afrique, ressemble beaucoup à celle que l’on voit sur la mappemonde du géographe sicilien al-Idrîsî, réalisée au 12e siècle pour le roi Roger II de Sicile. Celui-ci combine en effet des informations reprises de Ptolémée (la forme du Nil, par exemple) et la tradition arabe, qui représente une Afrique entourée par l’océan circulaire et très étendue vers l’Orient.
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La géométrie du monde
La « forme de la terre », la « forme du monde », relève de la géométrie. La Terre tout entière est une sphère, ce dont nul ne doute au Moyen Âge, dans les milieux cultivés au sens large. Les auteurs de textes en langues vernaculaires le démontrent dès le 13e siècle, comme Brunetto Latini dans Li Livres dou tresor, ou Gossuin de Metz dans l’Image du monde.
La forme du monde

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Le quatrième jour, le temps entre en jeu et de nouveaux modes de perception sont requis. Les corps célestes entament leur course circulaire dans le ciel et commencent à marquer le passage du temps. Le monde est partagé en régions identifiables. On reconnait ici le diagramme familier de l’Univers géocentrique de Ptolémée.
Somme des connaissances historiques et géographiques à la veille de la Renaissance et plus grand incunable illustré, la célèbre Chronique de Nuremberg est l’œuvre de l’humaniste et érudit Hartmann Schedel (1440-1514), médecin à Nuremberg. Avec l’aide du médecin Hieronymus Münzer (mort en 1506) et du poète Konrad Celtis (1459-1508), il puisa dans son importante bibliothèque (aujourd’hui conservée en grande partie à la bibliothèque municipale de Nuremberg) les sources de cet immense travail. Encyclopédie cosmographique ornée de 1089 gravures décrivant les âges du monde depuis la Création, l’ouvrage s’ouvre sur le récit de l’heptaméron biblique. Il fut imprimé chez Anton Koburger, grand libraire allemand de la fin du 15e siècle qui contribua à l’essor de la gravure sur bois. Pour les illustrations, il fit appel à deux peintres de la ville, Wilhelm Pleydenwurff (1434-1519) et Michael Wohlgemut (mort en 1494), le maître de Dürer dont Koburger était le parrain. Cette édition en allemand, datée du 23 décembre 1493, a suivi de quelques mois l’édition originale en latin.
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Par quoi il apparaît que la Terre est ronde
Durant l’Antiquité, le monde est conçu comme un ensemble de sphères s’emboîtant les unes dans les autres et centrées sur une Terre ronde constituée des quatre éléments. Au Moyen Âge, cette conception perdure mais s’adapte aux croyances chrétiennes en faisant de Dieu le démiurge de cet univers sphérique.
Dès le 13e siècle, les premiers textes didactiques en français, comme ici L’Image du monde de Gossuin de Metz, font la démonstration de la rontondité de la terre sous une forme imagée et compréhensible de tous. Cette miniature figure ainsi deux personnages partant d’un même point du globe dans des directions opposées et se rejoignant aux antipodes.
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Dans la sphère du monde, du cosmos, le globe terrestre ne représente qu’un point, le point central, à la fois au centre et au lieu le plus bas de l’univers.

Division de la terre entre les fils de Noé
Animé par la conviction que la valeur originelle des mots permet d’atteindre la connaissance essentielle de la nature des êtres et des choses, Isidore de Séville (v. 570-636) rédige, à partir de 621, à la demande du roi wisigoth Sisebuth, un monumental tableau étymologique du monde profane et sacré en vingt livres. Sauvant un riche vocabulaire antique menacé de disparaître, il modela les cadres de la pensée médiévale sur la science de l’étymologie. Les Étymologies d’Isidore furent le “livre de chevet” de tous les clercs médiévaux.
Cette miniature montre une représentation classique en de la terre en « TO » en haut ; en-dessous figure la division du monde entre les trois fils de Noé. En effet, dans la Bible, la terre est partagée entre les trois fils de Noé après le Déluge. Une tripartition en cohérence avec les divisions de la géographie grecque.
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Quant à la terre habitée, elle n’occupe sur l’ensemble de la sphère terrestre qu’à peine un quart de l’espace. Le plus souvent, elle est représentée par un orbe, un cercle, un O, par commodité ou par souci de perfection. Comme l’indiquait déjà Macrobe dans le Commentaire du Songe de Scipion, sa forme véritable est celle d’une chlamyde, plus étendue d’est en ouest que du nord au sud. C’est ainsi que la représentent, aux 12e et 13e siècles, certaines mappemondes du Liber floridus ou, au 14e siècle, celles qui accompagnent le Polychronicon du moine anglais Ranulph Higden. Cette terre habitée peut également être figurée sous les traits d’un carré évoquant les quatre points cardinaux, comme sur un certain nombre de schémas courants dans les manuscrits des Étymologies d’Isidore de Séville.

Mappemonde du Beatus de Saint-Sever
Carte de l’évangélisation des nations de la Terre par les douze apôtres, cette mappemonde illustre le prologue du second livre du Commentaire sur l’Apocalypse que le moine espagnol Beatus de Liebana rédigea vers 885 pour l’instruction de ses frères. L’abbaye de Saint-Sever, où le manuscrit fut copié vers 1060, occupe une place remarquable dans la mappemonde. La terre australe est ainsi légendée : « En plus des trois parties du monde, il y a une quatrième partie au-delà de l’Océan, dans la direction du sud et inconnue de nous à cause de la chaleur du soleil. Dans ces régions, on prétend fabuleusement que vivent les Antipodes. »
Les mappemondes médiévales, représentation de la portion de terre habitée par les homme, prennent en général la forme dite du « T dans l’O » : les trois parties, inscrites dans le O de l’anneau océanique, sont séparées par le T dont la hampe figure la Méditerranée et les branches représentent deux fleuves : l’une, le Tanaïs, limite traditionnelle entre l’Europe et l’Asie ; l’autre, le Nil, partage ordinaire de l’Asie et de l’Afrique. Ce monde est fini, clos par le cercle océanique infranchissable.
Les mappemondes sont souvent orientées vers l’est, c’est-à-dire vers le soleil levant, orientation cardinale qui prend valeur théologique par analogie avec le Christ, vrai soleil et lumière véritable. L’Orient et le Paradis terrestre sont placés en haut. On voit ici Ève cueillir la pomme sur l’arbre de la connaissance, Adam à ses côtés. Le serpent est enroulé sur l’arbre. Quatre fleuves naissent du Paradis : le Gange, l’Indus, le Tigre et l’Euphrate. À l’est du jardin d’Eden, un texte évoque l’Inde « célèbre pour ses gemmes et ses éléphants… où abondent l’or et l’argent. La terre, dit-on, produit deux récoltes par an. On y trouve des hommes de toutes les couleurs, d’énormes éléphants et des dragons, ainsi que des monocéros, des perroquets, du bois d’ébène, de la cannelle… ».
Sur cette représentation, l’océan, dans lequel on voit nager des poissons, entoure la Terre. Parmi les îles présentes dans l’océan, la Grande-Bretagne est reconnaissable en bas à gauche aux emblèmes de cinq de ses villes. L’océan Indien, confondu avec la mer Rouge, occupe le sud de la carte. Une grande île jaune apparaît à l’extrémité est de la mer rouge, Trapobane, ancien nom de Ceylan. Plus à droite, on perçoit l’esquisse d’un quatrième continent, ou antipode.
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La mesure du monde
Les dimensions de cette terre habitée sont depuis longtemps relevées. Depuis l’expérience d’Ératosthène, chacun sait que la circonférence de la Terre est de 252 000 stades, ou encore 180 000 selon Polémée. Chacun se plaît à rapporter ces mesures, voire à les concilier. Plus encore, certains auteurs vont jusqu’à préciser l’étendue, non seulement de la terre habitée, mais celle de chacune des trois parties du monde. Ainsi Dicuil, un Irlandais qui vivait à la cour de Louis le Pieux, dans son Liber de mensura orbis terrae, rédigé en 825, rapporte : « Cette partie de la terre dont je parle et qui est nôtre, qui semble flotter sur le grand Océan qui l’entoure, a été évaluée, dans sa plus grande longueur, d’est en ouest, c’est-à-dire depuis l’Inde jusqu’aux Colonnes consacrées à Hercule à Gadès, à 6 630 milles, comme le rapporte Artémidore. » Le même auteur qui, peu après, évalue la largeur de la Terre du sud au nord à un peu moins de la moitié, c’est-à-dire 3 348 milles.
Selon La Cosmographia de Julius Honorius, datée du 4e ou du début du 5e siècle après J.-C., et d’après un texte anonyme du Pseudo-Aethicus, un peu plus tardif, ces mesures auraient été calculées par de savants géomètres envoyés par Jules César à partir de 44 av. J.-C. dans les quatre directions cardinales : Nicodèmos ou Nicodoxus en orient, Didymos en occident, Theudotos ou Theodotos vers le nord et Polyclitus au midi. Prendre ainsi la mesure du monde est une opération hardie qui se serait étendue entre 44 av. J.-C. et 1er ou 10 après.

Une représentation biblique de la Terre : La mappemonde d’Hereford
La mappemonde d’Hereford, réalisée à la fin du 13e siècle, représente la Terre comme un disque cerclé par l’océan. Cette manière de représenter le monde, en compilant diverses sources – historiques, bibliques ou mythologiques –, est caractéristique des cartographes médiévaux. La carte ne s’oriente pas au nord mais à l’est, lieu supposé du Paradis, représenté ici classiquement comme une île ceinte par un mur de feu. Au centre, Jérusalem est surmonté d’une croix ; figurent également la Tour de Babel ou l’Exode. Les terres décrites se peuplent de dragons, salamandres, licornes ou griffons, autant de représentants d’un large bestiaire fantastique.
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Ce récit est repris au Moyen Âge, avec différents aménagements, notamment sur la mappemonde d’Ebstorf : Une mappemonde est la « forme du monde », telle que Jules César, le premier, en fit prendre la mesure par des émissaires envoyés à travers toute la terre. Ces émissaires sont représentés sur la mappemonde de Hereford.
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