-
Album
La naissance de la cartographie
-
Article
L’héritage grec
-
Article
La géographie arabe
-
Vidéo
La géographie arabe
-
Album
La géographie arabe
-
Personnalité
Muhammad al-Idrisi
-
Vidéo
La géographie d’al-Idrîsî
-
Album
Cartes de l’Occident chrétien
-
Article
La tradition géographique chrétienne
-
Album
Le plus ancien atlas du monde
-
Article
L’Atlas catalan
-
Article
La Terre vue par les savants grecs
La Terre vue par les savants grecs

Domaine public
L’École d’Athènes (détail)
Hipparque et Ptolémée tenant les globes célestes et terrestre.
Domaine public
L’invention du cosmos
© BnF – Éditions Multimédias
Le bouclier d’Achille
Les œuvres des premiers savants, Thalès, Anaximandre, Pythagore, Parménide, aujourd’hui disparues, sont connues par ce qu’en ont dit de lointains successeurs comme Platon et Aristote, deux à trois siècles plus tard. Au-delà des schémas mythiques ou religieux, ces hommes cherchent à expliquer le monde et la nature. Thalès fonde le monde sur le principe de l'eau, tandis que pour Anaximène il relève du principe de l’air, pour Héraclite d’Ephèse du feu, et pour Anaxagore, de l’esprit. Leur compréhension du monde postule l'idée d'ordre et d'harmonie constitutifs d'un cosmos dont tous les éléments doivent obéir à des lois physiques et mathématiques.
Les savants, Calliclès, affirment que le ciel et la Terre, les dieux et les hommes sont liés ensemble par l’amitié, le respect de l’ordre, la modération et la justice, et pour cette raison appellent l’univers l’ordre des choses et non le désordre, ni le dérèglement.
La science des Grecs s’efforce de « sauver les phénomènes » c’est-à-dire de rendre compte le plus rationnellement possible des apparences observées dans le ciel, en élaborant des modèles explicatifs qui permettent d’en prévoir le retour. Hérodote dit que Thalès aurait ainsi annoncé l’éclipse de soleil de 585 av. J.-C.
Tout ce que l’on peut connaître a un nombre, sans le nombre nous ne comprenons ni ne connaissons rien.

Le système de Pythagore
Pythagore aurait été le premier à affirmer la rotondité de la Terre, car la sphère étant la forme parfaite, l’univers en général ne peut être que sphérique : chaque planète est située sur un cercle. En outre, les astres produisent un son, comme tout objet en mouvement, et, selon le principe d’harmonie, ces sons ne peuvent être que sublimes : la musique produite par la vibration des différentes sphères devait composer une octave parfaite.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France

Le système d’Anaximandre
Les penseurs présocratiques commencent à vouloir décrire le monde de manière unifiée et cohérente. Mais plutôt que de faire appel à l’idée d’harmonie, ou à la géométrie, ils décrivent son fonctionnement comme un ensemble de machines et de techniques basées sur les éléments : l’eau chez Thalès, l’air et le feu chez Anaximandre, l’air chez Anaximène. Anaximandre propose l’explication de l’Univers suivante : la Terre est un « fût » de colonne cylindrique encerclé par l’air, puis par le feu « comme un arbre par son écorce ». Il suggère un processus initial de séparation entre l’air et le feu, puis d’équilibre : la Terre est suspendue immobile au centre de l’Univers, les divers corps célestes sont « équilibrés » tout autour par quelque règle invisible. Ces corps célestes sont assimilés à des roues de feu, et leur lumière visible n’en constitue qu’une partie, décrite comme un tuyau, un évent ou un tube à travers lequel jaillit le feu. Les éclipses et les phases de la Lune sont causées par l’ouverture ou la fermeture partielles de ces évents.
Shéma : c-Album
Shéma : c-Album
Pythagore et ses disciples croient que les nombres préexistent à l’univers sensible, et que la cosmologie est fondée sur la mathématique comme la géométrie ou la musique. De même que l’harmonie musicale repose sur des rapports numériques fixes entre les sept notes de la gamme, l’astronomie doit rechercher « l’harmonie des sphères », c’est-à-dire des sept planètes (incluant le Soleil et la Lune), à partir de l’évaluation de leurs dimensions et de leur distance à la terre. Ainsi le nombre sept symbolise-t-il la totalité de l’univers, espace et temps réunis, associant le trois céleste au quatre terrestre, à travers les sept jours de la semaine, les sept directions (avec le haut, le bas et le centre) les sept métaux, les sept couleurs de l’arc en ciel...
Le nombre sept par ses vertus cachées maintient dans l'être toutes choses ; il dispense vie et mouvement ; il influence jusqu’aux êtres célestes.
La Terre au centre d’un univers sphérique
Le contexte politique
Les philosophes, mathématiciens et astronomes à l’origine de la démarche scientifique sont imprégnés des nouvelles conceptions politiques nées dans les cités grecques. Comme le foyer est le cœur de la maison et l’agora le centre de décision d’une cité où les citoyens sont liés entre eux par des relations de symétrie et d’égalité, de même la Terre est le foyer fixe au centre de l’univers. La géométrisation de l’espace politique instaurée à Athènes par les réformes démocratiques de Clisthène à la fin du 6e siècle av. J.-C., se retrouve dans leur vision de l’univers.
Le progrès intellectuel

Sur les distances et les grandeurs du Soleil et de la Terre
Dans ce traité sur « les distances et les grandeurs du Soleil et de la Terre », Aristarque de Samos démontre que le Soleil est situé à une distance de la Terre comprise entre 18 et 20 fois celle de la Lune.
La proposition 13, accompagnée de nombreuses scholies, traite du rapport des diamètres de la Lune et du Soleil, tel qu’il se déduit de la ligne sous-tendant l’arc qui divise les parties éclairées et obscures de la Lune au cours d’une éclipse.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
L’idée que le cosmos puisse être sphérique marque un progrès important par rapport à la conception antérieure d’une voûte céleste. L’univers semble tourner d’un mouvement régulier et le premier ouvrage d’astronomie antique qui nous soit parvenu, La sphère en mouvement d’Autolycos de Pitane (330 av. J.-C.), montre que cette sphère apparait différente suivant les lieux d’où on l’observe : au pôle, les étoiles ne se lèvent ni ne se couchent, mais tournent concentriquement autour de la Polaire ; à l’équateur, toutes se lèvent et se couchent perpendiculairement à l’horizon, et entre les deux, leur trajet est oblique. Euclide explique que les étoiles sont en fait très éloignées et que la Terre est réductible à un point dans l’espace ; tout observateur voit donc une moitié de la sphère céleste.
Le ciel sphérique, lui-même constitué de sept sphères planétaires emboîtées (Lune, Vénus, Mercure, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne) et de celle du firmament, conduit logiquement à l’idée du géocentrisme. Au centre de cet univers rond, la Terre ne peut tomber ni dans un sens ni dans l’autre ; en équilibre, elle est donc immobile. Sinon, explique Ptolémée, elle sortirait du ciel, les oiseaux en vol se perdraient et la pierre lancée verticalement en l’air ne retomberait pas à son point de départ.
Le géocentrisme dominant
L’hypothèse géocentrique implique le mouvement régulier du ciel et des étoiles pour expliquer l’alternance des jours et des nuits ainsi que la succession des saisons. Les mouvements irréguliers des planètes nécessitent des prodiges d’explication géométrique : emboîtements en pelures d’oignon de multiples sphères concentriques, orbites planétaires excentrées, cercles supplémentaires épicycles... Le géocentrisme va de pair avec la conception anthropocentrique et close d’un monde des hommes sous le ciel des dieux.

Représentation cosmographique géocentrée, entourée des signes du zodiaque
On attribue à Battista Agnese, un hydrographe génois installé à Venise, une œuvre prolifique et de grande qualité. Dans les atlas sortis de son atelier, les cartes hydrographiques sont souvent complétées de calendriers, mappemondes et systèmes du monde, qui soulignent le lien étroit unissant hydrographie et cosmographie.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
D’autres hypothèses paraissaient alors moins convaincantes : les Pythagoriciens imaginaient un feu central, Héraclide du Pont (v. 388-315 av. J.-C.) envisageait la rotation de la Terre sur elle-même et Aristarque de Samos (v. 310-230 av. J.-C.) la révolution de la Terre et des planètes autour du soleil. Le fait que certains sceptiques ou épicuriens comme Aristarque ou Lucrèce imaginent d’autres mondes possibles dans un univers qui serait infini, remet en cause l’ordre du monde et paraît subversif.
Ciel et Terre, Soleil, Lune et mer, rien de ce qui est n'est unique, mais existe, au contraire, en nombres infinis.
La Terre est ronde
Les premières cosmologies évoquaient un disque flottant sur la mer, d’autres imaginaient un œuf, une poire ou une pomme de pin, mais Anaximandre ayant observé la courbure de la surface de la Terre, lui donna la forme ventrue et régulière d’un cylindre avec deux faces planes.
Une exigence intellectuelle

La terre est ronde pour les Grecs de l’Antiquité
Pour les philosophes grecs, la figure géométrique la plus parfaite est la sphère, car tous ses points sont à égale distance du centre. C’est pourquoi la Terre est ronde, comme l’affirment déjà les philosophes Pythagore et Thalès de Milet six siècles avant J.-C. L’observation vient confirmer cette hypothèse : l’horizon est arrondi sur la mer et semble s’éloigner au fur et à mesure que l’on s’en approche ; les mâts des navires arrivant de loin sont de plus en plus visibles…
Mais on pense alors que la Terre est au centre, et que le reste de l’Univers, également rond, tourne autour d’elle. Au 1er siècle après J.-C., Ptomélée, astronome grec, s’inspire de ce modèle pour théoriser le mouvement des planètes autour de la Terre.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Quand nous parlons d'antipodes, nous n'affirmons pas qu'il existe effectivement des hommes qui nous seraient diamétralement opposés, mais seulement qu'il existe sur la Terre un lieu habitable qui nous est diamétralement opposé.
Une mesure géniale
D'après la manière dont les astres se montrent à nous, il est prouvé que non seulement la Terre est ronde, mais même qu'elle n'est pas très grande, car il nous suffit de faire un léger déplacement, vers le sud ou vers l'Ourse, pour que le cercle de l'horizon devienne évidemment tout autre.

Le monde d’Aristote
Aristote présente le ciel et les éléments qui constituent les corps dans un monde partagé en deux : le monde supralunaire, parfait, et le monde sublunaire, imparfait. Le ciel d’Aristote, centré sur la Terre et formé de couches concentriques, est fini, unique et éternel : « Disons maintenant que non seulement il n’y a qu’un Ciel, mais encore qu’il est impossible qu’il y en ait plusieurs ; et qu’en outre, étant incorruptible et ingénérable, il est éternel » (Traité du ciel, I, 9).
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Le cercle et la sphère
Quiconque ne sait pas reconnaître dans le ciel les 7 étoiles de la Grande Ourse, n'a jamais jeté les yeux sur une sphère armillaire, n'a jamais vu la place des cercles parallèles ou obliques, de l'horizon, des cercles arctiques, ne peut rien comprendre à la géographie.
Que la Terre soit sphérique au centre du monde est d’abord un postulat philosophique né avec les Pythagoriciens, formulé ensuite par Platon et adopté plus tard par beaucoup de théologiens chrétiens. Si l’on pose que les astres sont d’essence divine, ils doivent être parfaits donc sphériques.
Timée de Platon - sur la perfection de la sphère
« Celui qui constitua le monde (...) lui donna comme figure celle qui lui convenait et qui lui était...Lire l'extrait

La sphère de Sacrobosco
Le livre d’astronomie qui fera référence au Moyen Âge et à la Renaissance est dû à John de Holywood ou Jean de Halifax, plus connu sous le nom de Sacrobosco. Ce mathématicien et astronome anglais du 13e siècle fit ses études à Oxford et passa la majeure partie de sa vie à Paris.
La première édition imprimée du traité De sphaera mundi date de 1472. L’ouvrage est divisé en quatre chapitres. Le premier traite de la forme sphérique de la Terre (dont il apporte de nombreuses preuves) et de sa place inamovible au sein de l’Univers sphérique selon la cosmologie d’Aristote. Le deuxième traite des divers cercles de référence de la Terre et du Soleil (écliptique, équateur, méridien, etc.). Le troisième décrit les levers et couchers des astres en divers lieux géographiques. Enfin, le dernier traite de la théorie planétaire de Ptolémée et des éclipses.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Du fait que le corps céleste a un mouvement naturel (circulaire) qui lui est propre et différent de ceux des quatre éléments, il s'ensuit que sa nature est nécessairement autre que celle des quatre éléments.

Allégorie du temps
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Provenance
Cet article a été publié à l’occasion des expositions « Figures du ciel » et « Couleurs de la Terre » présentées à la Bibliothèque nationale de France en 1998 et 1999.
Lien permanent
ark:/12148/mmjw15t68vn2